Jérôme Fourquet : Cette enquête révèle des chiffres marquants et spectaculaires : deux tiers (67%) des Français adhéreraient ou seraient tentés par un gouvernement d'experts, de personnes non élues qui réaliseraient des réformes nécessaires mais impopulaires.
C'est une thématique qui monte. On voit par exemple Jacques Attali envoyer des ballons d'essai sur son éventuelle candidature à la présidentielle en expliquant qu'en tant qu'expert, il va mettre des propositions sur la table et si d'aventure aucun candidat ne s'en saisit, il se réservera le droit d'y aller. Le libellé que nous avons construit repose un peu sur cette problématique. Nous disons : "certains pensent que la France doit se réformer en profondeur pour éviter le déclin mais qu’aucun homme politique élu au suffrage universel n’aura le courage de mener à bien ces réformes et que dans ce cadre, il faudrait que la direction du pays soit confiée à des experts non élus qui réaliseraient ces réformes nécessaires mais impopulaires."
Cette logique de fond existe depuis un moment, mais s'amplifie.
On peut aussi prendre l'exemple de l'affrontement entre François Fillon et Nicolas Sarkozy : François Fillon part sur un diagnostic très radical et libéral sur l'état de la société française, et dit que l'heure n'est plus à la demi-mesure, qu'il faut adopter des réformes radicales pour que le pays puisse se redresser. Dans son livre "Faire", il formule une série de propositions très osées, qui n'ont jamais été proposées au suffrage universel.
A plusieurs reprises, avant la sortie de son livre, ce message-là avait attiré les sarcasmes de Nicolas Sarkozy qui disait : "celui qui propose la suppression des 35h et la retraite à 67 ans, je lui souhaite bon courage pour être élu". On est au cœur de la problématique : un diagnostic est posé par beaucoup de gens sur l'inéluctabilité de réformes difficiles à mener, mais en réponse, d'autres vous disent que la société française n'est pas prête à l'accepter et que celui qui proposera ce traitement de cheval n'a aucune chance d'être élu.
Ce sondage peut apporter de l'eau au moulin de François Fillon, car il montre que l'électorat est prêt à entendre ce discours, dont un quart (23%) sont "tout à fait d'accord".
Quand on regarde comment ça se ventile politiquement, on a bien évidemment un clivage gauche droite assez marqué, mais on a quand même, à gauche, y compris au Front de gauche, un Français sur deux qui adhère à cette idée.
Ce chiffre monte à 80% chez les Républicains. On comprend que le thème "réformes impossibles, pays bloqué, corporatismes, etc." soit une vieille rengaine à droite, mais le contexte joue peut-être aussi : la droite est dans l'opposition, ses sympathisants peuvent donc avoir dans l'idée que "les types aux manettes sont nuls". Pas sûr que si l'on avait posé cette question sous Nicolas Sarkozy, 80% de l'électorat de droite aurait été d'accord.
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