Dans les couloirs, François Legault attend son heure pour adapter de
façon moins idéologique le projet de droite de Stephen Harper à
l’échelle québécoise. Ce sont deux projets qui veulent concrètement
dire la liquidation de la révolution tranquille par le
démantèlement des systèmes sociaux universels, la privatisation
de la culture et l’éducation, la marginalisation des mouvements
sociaux et syndicaux, bref, le rétablissement d’un certain « ordre
» et d’une certaine hiérarchie qu’on a connus pendant les longues
années noires de Duplessis.
Bien sûr, le projet est maintenant «
modernisé », ce ne sera pas la grande noirceur obscurantiste avec ses
soutanes et sa police provinciale, mais en substance, c’est
semblable, avec l’appui enthousiaste de Québec Inc et en particulier
de sa fraction la plus réactionnaire. Cependant, il faut se le dire,
ce n’est pas une « fatalité », en dépit de ce que dit Quebecor et ses
médias où il ne reste presque plus de journaliste que des idéologues.
Causes et conséquences d’un déclin
À prime abord, on peut avoir l’impression que les jeux sont joués d’avance.
Le PQ qui pensait avoir le pouvoir au bout du nez sombre dans une crise
interminable. Mais contrairement à ce qu’en dit Pauline Marois, la
montée de Legault est davantage une conséquence qu’une cause, car le
déclin avait commencé avant. Le projet du PQ de procéder à des réformes
partielles, tout en préconisant une souveraineté « partagée », s’est
épuisé, à la fois par les assauts dont il a été victime (de l’État
fédéral principalement), à la fois par l’évolution sociale et
politique. Québec Inc (les élites économiques) ont largué ce projet
qu’ils n’ont jamais vraiment soutenu, en dépit des espoirs de Jacques
Parizeau. Les classes moyennes et populaires s’en sont distanciées,
en bonne partie parce que le PQ durant ses années au pouvoir a tenté
avec plus de mal que de bien de gérer le néolibéralisme. Tout cela a
conduit à une lente érosion de l’appui populaire au bénéfice d’une
augmentation énorme de l’abstentionnisme et à l’étiolement du vote.
La société a changé
Tout le monde sait que notre société a changé. La majorité de la
population se reconnaît cependant dans des valeurs globalement
progressistes où les concepts-clés demeurent l’égalité, la
reconnaissance des droits individuels et sociaux (pas juste l’un ou
juste l’autre), la protection des plus mal pris d’entre nous, un système
d’éducation et de santé digne de ce nom et une nette volonté de contrôler nos ressources.
Ce projet est antinomique avec celui de la droite qui
se reconstruit en conjuguant un néolibéralisme « pur et dur » (au
niveau économique et social) avec un « néo-conservatisme » de plus en
plus agressif (au niveau politique et culturel), dans lequel se
reconnaît une minorité des Québécois et des Québécoises. Pour
plusieurs raisons, le rêve du PQ de constituer un espace «neutre» où
la droite et la gauche se réunissent autour d’un nationalisme «soft»
ne tient plus la route. Il faut changer donc.
Transformer le PQ ?
Les dissidents du PQ qui secouent la cage depuis un certain temps ont
bien vu cela et suggèrent, de diverses manières, de redéfinir le
projet autour de nouveaux principes. Par exemple, il faut s’opposer aux
projets de prédation des ressources, et pas seulement les critiquer
par la bande, même si c’est gênant du fait que deux anciens chefs du PQ
font la bataille pour les grandes entreprises énergétiques qui veulent
accélérer ce pillage.
Autre exemple, il faut confronter cet affreux
système politique défini sur le faux principe d’une « alternance »
excluant les formations politiques autres que les grands partis. Il y
aurait sans doute bien d’autres chantiers sur lesquels il faut
plancher. Chose certaine pour le PQ, il est minuit moins cinq.
La nécessaire convergence
Les forces de renouvellement au sein du PQ savent bien que l’heure de
monopoliser le débat politique et national a passé et qu’il faut
travailler avec d’autres projets, dont celui de Québec Solidaire et des
mouvements sociaux. Malgré la propagande de certains médias, la
gauche québécoise reste bien enracinée dans le tissu social. Elle est
en mesure de faire des propositions audacieuses, et en même temps
réalistes, pour faire échec à la droite et remettre le Québec dans une
autre direction.
Certes, les conditions pour réaliser un
rapprochement font face à de sérieux obstacles.
Du côté populaire,
la méfiance est grande envers un PQ qu’on a vu refouler les
revendications légitimes et concéder à un Québec inc de plus en plus
aligné sur un Canada inc la domination sur des pans entiers de notre
territoire.
Du côté du PQ, il y a encore des résistants qui pensent
que le projet de souveraineté doit être désincarné des questions
fondamentales et qui rêvent de ramener au bercail certains électeurs
nationalistes de droite.
Enfin, il y a, on l’a dit plus tôt, un système
politique antidémocratique qui rend très difficile des alliances.
Mais ce n’est pas impossible pour autant. Notamment sous la forme
d’ententes ad hoc, comme le suggère Amir Khadir, qui réfléchit tout haut à
des pistes qui interpellent les militants et les militantes. Un
leader politique a le droit et en fait le devoir de penser tout haut,
tout en précisant, comme le fait Khadir, que cette orientation est
personnelle.
Des conditions gagnantes
Pour bloquer le projet de droite, plusieurs conditions sont
nécessaires. Québec Solidaire et ses alliés sociaux doivent
maintenir la pression, comme Amir Khadir le fait dans les enceintes trop
sages de l’Assemblée nationale, comme le font également les occupants
du Square Victoria et les communautés de la rive-sud qui disent non à
Talisman Oil et à Lucien Bouchard.
Par ailleurs, le PQ, s’il veut
bloquer la Legault, doit s’entendre avec QS, pour que les deux partis ne
se mettent pas mutuellement des bâtons dans les roues. Ceci ne peut pas
impliquer de convergence ou d’alliance de fonds, car soyons réalistes,
il y a des différences assez fondamentales entre les deux partis.
Enfin, toujours dans l’esprit de bloquer la droite, il faut rouvrir le
débat d’une manière beaucoup plus large. La réanimation d’une option
progressiste et souverainiste va bien au-delà de la prochaine
élection et exige de définir cette « deuxième révolution tranquille »
qui se construira à travers les valeurs de la justice sociale, du
féminisme, de l’écologisme et de l’altermondialisme.
Par François Cyr, Pierre Beaudet
Faire échec à la droite
Chose certaine pour le PQ, il est minuit moins cinq
Indépendance - le peuple québécois s'approche toujours davantage du but!
Pierre Beaudet23 articles
Professeur à l'École de développement international et de mondialisation de l'Université d'Ottawa
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