Lorsqu’on parle de débats des chefs, c’est toujours celui de 1988 qui me revient à l’esprit. John Turner l’avait remporté haut la main et contrairement à ce qu’on avait prétendu à l'époque, ce n’était pas Bryan Mulroney qui l’avait perdu, mais bien Ed Broadbent.
Ce dernier était probablement celui qui avait le plus à gagner dans ce débat. Mais contre toute attente, il avait alors joué le jeu de John Turner en axant toutes ses interventions sur le libre-échange, ajoutant à la polarisation des électeurs qui se dessinait alors entre le chef conservateur et le chef libéral. Il perdit ainsi toute l’avance qu’il avait bâtie depuis le début de la campagne électorale.
Si Ed Broadbent avait parlé de la taxe sur la valeur ajoutée qui était dans les cartons des conservateurs à ce moment-là et qu’il s’y était opposé avec vigueur, il aurait probablement pu marquer d’importants points pour la suite de la campagne du NPD. Il aurait même pu se positionner en prévision de l’élection suivante. Aucun des chefs ne parla donc de la TVA ce soir-là, une taxe contestée par de nombreux Canadiens et qui devint par la suite la TPS que nous payons toujours aujourd’hui. Cinq ans plus tard, Jean Chrétien promettait d’abolir cette taxe et remportait l’élection de 1993. Une promesse qu’il ne réalisera jamais d’ailleurs.
***
Le gagnant dans ce genre de prestation est souvent celui qui réussit à aborder le sujet qui polarisera le plus le débat entre sa formation et celle du chef dont le parti est donné pour gagnant ou en avance à ce moment-là, le défi de ce dernier étant de maintenir sa position. S’il est chanceux, le principal challenger pourra même espérer un revirement de la situation en sa faveur, comme cela s’est produit lors du débat de 2003 entre Bernard Landry et Jean Charest lorsque ce dernier jeta un pavé dans la marre de son opposant alors en avance dans les sondages, citant hors contexte une déclaration de Jacques Parizeau portant sur le vote ethnique survenue l’après-midi même. Tout le Québec assista alors au malaise de Bernard Landry qui sans nul doute perdit l’élection ce soir-là. En 2007, Mario Dumont refit le même coup à Jean Charest avec les résultats que nous connaissons. Cependant, pour que ce genre d’opération puisse réussir à nouveau, il faudrait que le geste ne soit pas trop forcé ou ne semble pas l’être. Un public habitué à ce genre de manœuvre est de plus en plus difficile à impressionner!
Mais dans bien des cas, le vrai gagnant sera sans doute celui qui saura le mieux imposer son ou ses sujets ou qui aura le plus le sens du spectacle. On comprend mieux pourquoi Bryan Mulroney, Jean Chrétien et Lucien Bouchard ont toujours excellé dans ce genre de situation. Ils n’ont jamais éprouvé le moindre malaise à tirer le tapis sous les pieds de leurs adversaires ou à donner des jambettes lorsque nécessaire, et cela, avec le plus grand des naturels. Mulroney le faisait avec flegme, Chrétien avec humour et Bouchard avec honneur.
Pour remporter le débat en français, Gilles Duceppe n’aura donc qu’à faire le nécessaire pour maintenir la polarisation qui existe présentement entre ses partisans et ceux de Harper. Face à une telle stratégie, Harper ne pourra espérer gagner qu’en causant un revirement de situation. Quant à Jack Layton, s’il veut marquer des points, il devra faire montre d’un style un peu moins appuyé que celui qu'il présente actuellement et qui a le sérieux désavantage de miner passablement sa crédibilité aux yeux des téléspectateurs.
Par contre, si Elizabeth May demeure une énigme, Stéphane Dion est probablement le candidat le plus sous-estimé de la présente campagne. C’est donc lui que les autres chefs doivent le plus craindre, car il n'a rien à perdre et de ce fait pourrait bien mêler les cartes, surtout lors du débat du Canada anglais où il aura l’avantage d’être moins connu. Ses adversaires miseront probablement sur son inexpérience, alors que la prudence la plus élémentaire exigerait d'eux qu’ils se méfient de lui, ne serait-ce qu’en raison de la chance qui sourit parfois aux débutants.
Ainsi, sa candeur pourrait bien en déjouer plusieurs, surtout devant des électeurs un peu plus à gauche, comme ce fut le cas lors du congrès à la direction du Parti libéral du Canada. Il pourrait même marquer quelques points aux dépens d’Élizabeth May et de Jack Layton, comme il le fit avec Bob Ray. N’oublions pas que le professeur Dion sait pertinemment que sa prestation au débat en anglais pourrait faire la différence entre un gouvernement minoritaire ou majoritaire de Stephen Harper et peut-être même signifier sa survie comme chef de l’opposition officielle.
Louis Lapointe
Le débat des Chefs
Et le gagnant est ... !
Gilles Duceppe doit creuser le clivage entre le Bloc et les conservateurs
Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
30 septembre 2008Un seul point à marteler. HARPER = BUSH. C'est simple et en plus c'est vrai. Voter Harper c'est voter pour un fasciste qui a ruiné les USA. Il faut rappeler ce qui se passe aux USA. Harper n'est rien d'autre qu'un clone.
Michel Guay Répondre
30 septembre 2008Dans ce débat , lors des deux débats , Gilles Duceppe doit parler
1) De la fausse reconnaissance sans suite effective de la nation Québecoise et sans droit reconnus à l'indépendance et la souverainté .
2) Du vote il y a quelques mois de tous les partis fédéralistes pro-canadians contre l'application de la loi 101 au Québec
3) De la représentation bidon de la nation Québecoise à l'Unesco, une présence sans droit de parole libre et de véritable représentation
4) Du refus des fédéralistes de règler le déséquilibre fiscal en envahissant tous les ministères de compétence de l'État Québecois
5) De la loi antidémocratique de Dion la loi totalitaire C20 ou un vote d'un Québecois vaut moins qu'un vote d'un fédéraliste
6) Des miettes pour la culture et des milliards pour les agresseurs marchands de canons
7) Des miettes pour l'énergie propre et des milliards pour les pollueurs bituminables de l'Alberta et des Sept Soeurs
8) De l'abolition des réserves , des prisons de détentions sans procès , des détentions d'enfants à Guantanamo et en Afghanistan et de la volontéé d'Ottawa d'incarcérer des enfants avec des adultes
9) De l'anglicisation systématique du Québec en détruisant notre droit de vivre en français dans tous les emplois et notre droit de franciser les immigrants que les fédéralistes dressent avec nos impôts fédéraux Québecois contre notre nation et notre droit de vivre en français
10) De toutes les autres questions vitales concernant la nation Québecoise
En fait Gilles Duceppe ne doit pas se gêner de passer d'un punch à l'autre car les partis fédéralistes feront tout pour éviter les questions qui importe à la survie et à la vie des Québecois