Gilles Toupin - Le projet de loi du Bloc québécois (C-482), qui a pour but d'assujettir les entreprises fédérales au Québec à la Loi 101, est perçu par l'appareil fédéral comme une tentative d'«imposer des contraintes» à ces entreprises et comme une volonté de faire la souveraineté avant la lettre.
Selon une note rédigée par les analystes du Conseil privé à l'intention du premier ministre Stephen Harper et obtenue par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information, «la volonté du Bloc québécois d'accroître la portée de la Charte de la langue française est cohérente avec le projet souverainiste visant à mettre un terme à l'application des lois fédérales au Québec». Ce projet de loi, présenté l'année dernière par la députée bloquiste Pauline Picard, a été débattu en première lecture en février dernier et doit l'être de nouveau le 12 mai prochain.
Le chef du Bloc, Gilles Duceppe, s'est fait le héraut de ce texte législatif, notamment dans les journaux au début de l'année, affirmant qu'il était «temps de comprendre que l'adversaire le plus acharné de l'application de la Loi 101» est le gouvernement canadien lui-même.
M. Duceppe estime que la Constitution canadienne et les lois fédérales entravent ou contredisent carrément l'application de la Loi 101.
Avec sa loi, le Bloc souhaite faire en sorte que le gouvernement fédéral, qui s'appuie sur le Code canadien du travail, cesse de permettre aux entreprises fédérales relevant de sa compétence au Québec de se soustraire à l'obligation d'adopter le français comme langue de travail.
«Cela concerne, affirmait M. Duceppe, plus de 240 000 travailleurs», dont les employés de la fonction publique fédérale au Québec.
La note du Conseil privé au premier ministre Harper, passablement caviardée, accuse le Bloc de vouloir «imposer des contraintes» aux entreprises fédérales situées au Québec, des contraintes «qui vont au-delà de celles imposées aux entreprises privées relevant de la compétence du gouvernement du Québec et de la Charte de la langue française».
«En effet, au Québec, seules les entreprises de 50 employés ou plus doivent être inscrites auprès de l'Office de la langue française et lui fournir une analyse de leur situation linguistique et offrir des mesures de francisation si nécessaire. Les entreprises de moins de 50 employés ne sont pas contraintes par ces mesures, même si dans celles-ci les employés ont également le droit de travailler et de recevoir des communications en français», affirme la note, signée par Kevin Lynch, le greffier du Conseil privé et plus haut fonctionnaire de l'État.
Pour le critique libéral en matière de langues officielles, le député Denis Coderre, le projet de loi du Bloc n'est pas limpide en ce qui a trait aux respects des deux langues officielles. «Si tu fonctionnes comme le Bloc veut, soutient M. Coderre, cela voudrait dire un Québec français et le restant du pays anglais? J'appuie la Loi 101 au Québec. Mais lorsqu'il s'agit d'institutions fédérales, il faut s'assurer que partout au pays on puisse protéger les deux langues officielles. On ne peut pas faire indirectement, comme le veut le Bloc, ce qu'on ne peut faire directement.»
Pour Richard Nadeau, le porte-parole du Bloc en matière de langues officielles, le projet de loi C-482 n'a rien de pernicieux, comme le soutiennent ses détracteurs. «Il ferait simplement en sorte que le français aurait préséance au Québec pour les entreprises fédérales, dit-il. L'esprit de cette loi, c'est de mettre de la chair autour de l'os de la reconnaissance du principe de la nation québécoise adopté par les Communes le 26 novembre 2006. Nous ne voulons plus avoir les contraintes du gouvernement fédéral dans la nation québécoise. Nous voulons aider le gouvernement conservateur à donner corps à cette reconnaissance. Nous verrons bien s'il y a chez les conservateurs une volonté de la concrétiser.»
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Gilles Duceppe (Photo PC)
Avec la collaboration de William Leclerc
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