Entrave à la justice: Jaggi Singh acquitté, faute d’avocat qui parle anglais

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Le délire bilingue de la justice québécoise est dramatique


Près de deux ans et demi après s’être fait passer pour Michel Goulet, l’anarchiste Jaggi Singh a été libéré de toutes les accusations par le juge devant l’incapacité des procureurs de la Ville de Québec de tenir un procès en anglais.


Le militant arrêté à Québec, le 20 août 2017, lors d’une manifestation contre l’extrême droite qui avait dégénéré, s’était présenté aux policiers sous le nom de Michel Goulet, ex-joueur des Nordiques, et avait donné comme adresse de domicile le Colisée. Il avait, plus tard, été accusé d’entrave à la justice et supposition de personne. 



Le militant Jaggi Singh devait subir son procès d’une durée de trois jours, mais a été acquitté, mercredi, à la Cour municipale.

Photo Stevens Leblanc




Vingt-neuf mois après le dépôt des accusations, le procès de Jaggi Singh devait débuter mercredi matin, et ce, pour trois jours, mais le procureur en chef de la Ville de Québec, Me Steve Marquis, a indiqué qu’il n’était pas en mesure de procéder et demandait un report pour deux raisons. 


D’abord parce que la procureure au dossier, Me Marie-Hélène Guillemette, est en congé de maternité. Depuis l’automne, pas moins de cinq des 10 avocats de la Ville de Québec sont partis, en congé de maladie ou de maternité, a indiqué le procureur en chef. 


La deuxième excuse de Me Marquis venait du fait qu’il n’est pas en mesure de faire le procès en anglais, disant être « très limité au niveau de [s]on anglais ».


Jaggi Singh, qui s’est exprimé en français pendant toutes les procédures, avait cependant demandé à parler en anglais, notamment pendant les plaidoiries. La loi exige dans ce cas que les échanges entre le juge et les procureurs se fassent uniquement en anglais, sans traducteur.


Tant Singh que le juge se sont dit « surpris » par le fait que le 17 octobre dernier, Me Guillemette a fixé un procès pour janvier sans jamais dire qu’elle quittait pour un congé de maternité. « Ce n’est pas une crise de cœur, a illustré le juge Bordeleau, c’est une question d’organisation. »


Pas de preuve à offrir


Cependant, c’est la question de l’anglais qui a mis la Couronne au pied du mur. Après réflexion, le juge Bordeleau a rendu une décision dans laquelle il ordonnait aux procureurs de la Ville de tenir le procès en anglais sans délai.     



Le militant Jaggi Singh devait subir son procès d’une durée de trois jours, mais a été acquitté, mercredi, à la Cour municipale.

Photo Stevens Leblanc




« Je ne pourrai pas offrir de procès en anglais », a répété Me Marquis. « Est-ce que je dois conclure que vous n’êtes pas en mesure de faire de preuve ? » s’est assuré le juge. « Je ne peux pas faire un procès en anglais », a répété Me Marquis. 


En conséquence, le juge Bordeleau a immédiatement annoncé l’acquittement de M. Singh sur les deux chefs d’accusation portés contre lui.


Autosabotage


L’accusé de 48 ans, qui se défend seul, a accueilli sobrement la décision, sans manifester d’émotion.


En entrevue, il s’est dit convaincu que « la Couronne a autosaboté le procès en sachant qu’ils vont perdre si on fait un vrai procès ».


Jaggi Singh est reparti vers Montréal en autobus sans pavoiser, disant : « Ma lutte n’est pas dans les salles de cour, ma lutte, c’est de contrer l’extrême droite. »


Jaggi Singh


Les événements


20 août 2017


Le militant se présente à Québec dans le cadre d’une manifestation où les antifascistes et les membres de La Meute s’étaient affrontés.


Il est arrêté, puis relâché par la police de Québec.


21 août 2017


Régis Labeaume commente la manifestation en traitant Singh de « crétin ».


30 août 2017


Singh est arrêté et comparaît sous deux chefs d’accusation.


4 avril 2019


En Cour d’appel, la Ville de Québec échoue dans sa tentative de faire récuser le juge Bordeleau.


15 janvier 2020


Jaggi Singh est libéré de toutes les accusations.




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