« Je n’accepte pas que l’on diminue les réformes que l’on s’est engagé à faire », a déclaré celui qui était pourtant un candidat-vedette lors de la dernière élection. « Je n’accepte pas non plus facilement de reporter les échéances. Je suis un homme de ligne droite et le monde de la politique ne me convient pas. »
« Les réformes ne se font pas au rythme où je le souhaiterais et de la façon aussi extensive que je le souhaiterais. Je comprends qu’il y a des raisons d’État et qu’il faut être capable de naviguer dans l’ensemble de ces considérations, mais j’ai énormément de difficultés » à conjuguer avec « ce monde immatériel et intemporel ».
Citation de Gaétan Barrette croyez-vous ? Eh bien non ! Ce sont plutôt les propos de l’ex-ministre libéral Marc Bellemare qu’on rapportait ici au moment de sa démission fracassante en 2004.
Avouez que c’est surréel. Une coïncidence comme ça ça ne s’invente pas.
De la conviction à la désillusion
Marc Bellemare est entré en politique comme Gaétan Barrette l’a fait, pour changer les choses, pour réformer le système, pour améliorer le sort des Québécois dans un domaine qu’il connaissait de fond en comble. La réalité gouvernementale et la joute politique ont vite fait de décourager l’ardent batailleur qu’il était.
Cette semaine, on a assisté à la même désillusion pour le ministre de la Santé Gaétan Barrette. Lui aussi est entré en politique pour réformer le système. D’ailleurs, c’est cette volonté qui l’animait la première fois qu’il s’est porté candidat à l’élection sous la bannière, on s’en souviendra, de la Coalition avenir Québec. C’est aussi cette volonté qu’il exprimait en annonçant avoir choisi de se présenter en 2014 pour le Parti libéral du Québec.
Dans les officines libérales, on a bien senti que le ministre était furieux de la manière dont se sont conclues les négociations avec les médecins spécialistes. Non seulement a-t-il été écarté des pourparlers au profit de son rival Roberto Iglesias, mais les concessions qui ont été accordées aux médecins spécialistes viennent affaiblir deux lois (la loi 20 et la loi 130) auxquelles Gaétan Barrette tenait mordicus.
Une semaine humiliante
On connaît le caractère bouillant du ministre Barrette. Au fil des années, celui-ci ne s’est pas fait que des amis. Même au sein de la Fédération des médecins spécialistes, on ne s’est jamais gêné pour décrier ses méthodes et sa combattivité. Devant l’incapacité du ministre Barrette à s’entendre avec les fédérations de médecins, le premier ministre lui a retiré le dossier de la négociation sur l’application de la loi 20 et de la loi 130. Mon collègue Claude Villeneuve caricaturait à peine la situation quand il parlait de Barrette dégriffé. À toutes fins utiles, c’est exactement ce qui est arrivé. On a muselé le fauve, on l’a mis en laisse.
Gaétan Barrette s’est montré plus que bon joueur dans le dossier. Non seulement n’a-t-il pas fait de sainte colère au vu et au su de tous, mais il a même été aussi loin que d’accepter de défendre devant les médias l’entente qu’il n’a pas négociée. L’envoyer au front dans ce dossier, c’était infliger un soufflet de plus au ministre. Tous ceux qui l’ont vu en entrevue avec Patrice Roy ont compris que le ministre n’avait pas envie d’être là. Son calme ressemblait à de la déprime et ses arguments sonnaient faux. Ce n’est qu’en toute fin d’entrevue qu’on a pu retrouver le Gaétan Barrette frondeur auquel on s’est habitué.
Une réflexion inévitable
Après une semaine aussi mouvementée, personne ne serait surpris d’apprendre que le ministre Barrette réfléchit à son avenir. Déjà en décembre dernier, Antoine Robitaille soulevait la question de l’avenir politique de Gaétan Barrette. Mon collègue « spin doctor » Sylvain Lévesque en parlait aussi dans sa chronique de vendredi sur les ondes du FM 93.
De son côté, Québec Solidaire lance une pétition et organise une manifestation pour réclamer la démission du ministre. Bien entendu, tout le monde aura compris que cette pétition vise d’abord et avant tout à récolter des informations pour gonfler la banque de données du parti d’extrême gauche. On rapporte que plus de 40 000 personnes ont déjà signé la pétition même si elle n’est pas recevable à l’Assemblée nationale. Mentionnons au passage que QS a choisi une photo pour le moins peu flatteuse du ministre pour illustrer sa campagne sur les médias sociaux. Cette basse mesquinerie n'honore en rien le parti et ses élus. Pour la petite histoire, on rappellera à Québec solidaire que les pétitions de ce genre atteignent rarement leur objectif. Celle qui réclamait la démission de Jean Charest en 2011 a été signée par près de 250 000 personnes, sans aucun succès.
Gaétan Barrette réaffirme qu’il entend rester. Son investiture est déjà derrière lui, mais rien ne l’empêche de changer d’idée. S’il devait claquer la porte, le Parti libéral se retrouverait dans une bien fâcheuse situation...