[Louis Cornellier->118] est très certainement ce qui se fait de mieux présentement en terme de critique littéraire au Québec. Toujours bien documentée, très certainement fort érudite, la plume littéraire du Devoir est en plus souverainiste. Tout donc pour nous plaire !
L'automne dernier, Cornellier avait qualifié Patrick Bourgeois, sur la base de ce qu'il avait écrit dans son essai intitulé We are Québécois when ça nous arrange (Les Intouchables), de « mauvais Lionel Groulx ». Il insinuait par là que ses commentaires sur ce qui constitue l'essence de l'identité québécoise, c'est-à-dire qu'on ne peut être Québécois sans vivre en français, faisaient du directeur du Québécois ni plus ni moins qu'un fasciste. Samedi dernier, Cornellier s'est de nouveau penché sur le travail du Québécois. Il a cette fois critiqué Nos ennemis, les médias et notre Manifeste lucide pour la fin de l'hégémonie fédéraliste sur l'information. Son verdict : même si sur le fond, on pose des questions fort pertinentes, en particulier sur le déficit démocratique que façonne la concentration de la presse au Québec, il n'en demeure pas moins qu'on « beurre épais ». À l'instar du critique Cornellier qui lui-même « beurrait épais » en qualifiant Patrick Bourgeois de fasciste, peut-on dire que nous avons, au Québécois, la violence pamphlétaire facile ?
Très certainement ! Et nous n'avons d'autres choix que d'agir de la sorte, puisque pour attirer l'attention des médias - et sans l'attention de ceux-ci, il est fort difficile d'alimenter un débat digne de ce nom dans un système politique tel que le Québec, tous en conviendront - nous devons nous démarquer violemment de ce qui constitue la norme dialectique en ce pays en devenir. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé de nous faire entendre en faisant preuve de modération dans nos propos. Au fil des ans, en effet, nous avons par exemple tenté d'attirer l'attention des médias sur le fait qu'il était carrément scandaleux que l'arrivée des libéraux au pouvoir ait signifié pour nous le blocage d'une subvention fort importante provenant du Fonds jeunesse Québec. Le conseil d'administration dudit fonds nous a même fait parvenir une lettre dans laquelle la présidente de l'époque expliquait qu'on ne recevrait pas la subvention promise, et ce, parce qu'on était souverainistes (écrit noir sur blanc dans ladite lettre), ce qui constituait une violation flagrante des critères d'admissibilité du programme. Nous avons aussi tenté d'alerter l'opinion publique sur le fait que les libéraux nous empêchaient de bénéficier du Programme de soutien à l'action bénévole, une fonctionnaire du Secrétariat au Tourisme, au Loisir et au Sport qui disait prendre ses ordres directement du Conseil du Trésor nous ayant même menacé, nous et toutes les autres publications souverainistes, de représailles si nous comptions pousser le bouchon plus loin. Aucun journaliste ne s'est intéressé non plus au fait que les libéraux aient placé - des aveux mêmes du responsable du placement publicitaire de l'Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ) - Le Québécois sur une liste noire, ce qui fait que nous ne recevons plus de publicité du gouvernement via cette association, perdant ainsi quelques autres milliers de dollars par année. Personne ne s'intéresse davantage au Québécois quand nous tentons de faire de l'analyse politique en adoptant un ton universitaire (et Le Québécois est dirigé par des chercheurs universitaires). Tout ça pour dire que la seule façon pour nous de percer le filtre médiatique au Québec est d'occuper un créneau qui fait peur à plus d'un : celui des « purs et durs » pamphlétaires, là où nous pouvons y aller de diatribes spectaculaires qui intéressent quelquefois les journalistes, eux qui, au détriment de l'information, recherchent trop souvent le sensationnel, et ce, en politique comme dans les faits divers. C'est ainsi que Le Québécois est devenu, ce qui est malgré tout conforme à notre personnalité politique, soyez-en convaincus, plus « pur et dur » que le pire des cauchemars que doit maintenant faire Michaëlle Jean à notre sujet ou le spectre de Claude Ryan à l'égard de notre chroniqueur Falardeau! En marchant toujours sur la corde raide tout en s'évertuant à faire passer des messages fondamentaux à travers nos coups de gueule, il nous arrive bien sûr de ne pas faire dans la nuance, mais cela fait partie de la joute que nous menons pour être entendus dans un combat politique qui est lui aussi sans nuance : entre ceux qui veulent la liberté politique du Québec et ceux qui la combattent, il ne peut y avoir que des complices. Et nous, nous assumons notre position, bien évidemment.
Louis Cornellier nous reproche également dans sa dernière chronique de confondre opinion et information dans l'analyse que nous effectuons de la personnalité fédéraliste des médias du Québec. En cela, Cornellier reprend les arguments qu'il a développé dans son dernier essai intitulé Lire le Québec au quotidien. Au-delà d'un découpage de l'information qui aurait mérité d'être repensé, le problème fondamental de ce dernier essai se situe justement au niveau des relations qu'il est impératif d'établir entre l'opinion et l'information, ce que cornellier se refuse obstinément à faire. Pourtant, tous les spécialistes des médias savent que l'orientation idéologique d'un groupe de presse n'affecte pas seulement les éditoriaux, mais qu'elle influence aussi l'information. Cela peut se faire de diverses façons, comme les sujets à traiter qui sont confiés aux journalistes et ceux qui ne le sont pas, les titres des articles qui sont de la responsabilité du pupitre et non du journaliste, des manchettes retenues, des exergues, des photos bas de vignette, de l'organisation de l'information dans le journal, etc. Au lieu de railler bien inutilement Noam Chomsky dans son essai, Louis Cornellier aurait dû réfléchir aux idées formulées par celui-ci, ce qui lui aurait permis d'approfondir un tant soit peu l'impact qu'a la direction d'un média sur le traitement de l'information. En s'y refusant, Cornellier nous enseigne une bien drôle de méthode pour lire un journal, ce qui était, malheureusement, son objectif premier en rédigeant Lire le Québec au quotidien.
Certains nous ont aussi reproché d'avoir retenu une méthode plus ou moins rigoureuse pour analyser les médias du Québec sur la base de leur parti pris fédéraliste. Pour eux, et Cornellier en est, il n'y a rien de convaincant à avoir colligé des milliers d'articles publiés en octobre 1995 dans 5 des principaux quotidiens du Québec et à les avoir analysés à partir des méthodes reconnues par les chercheurs en sciences humaines. Le problème est que si notre méthode manque de rigueur, nous au moins, nous en avons une, alors que nos détracteurs, eux, n'ont jamais cru bon s'appuyer sur la science pour nous répondre. Si Cornellier se permet de nous reprocher de ne pas en avoir fait assez méthodologiquement avant de présenter nos résultats, important est de dire qu'en contrepartie, lui ne s'appuie sur rien avant de dire bien gratuitement que Franco Nuovo est « mondain et qu'il s'aime beaucoup » (p.93), que Nathalie Petrowski « jalouse » le talent de Pierre Foglia (p.110), que Pierre Bourgault ne fut jamais un « grand penseur » que Marie Plourde est experte dans les « formules épaisses » (p.95), ou qu'il faille faire la distinction entre information et opinion. Aucune méthode, aucune preuve pour ce faire, que du vent ! Ces chroniqueurs sont ainsi parce que Cornellier a décidé qu'il devait en être ainsi. Tout comme l'information n'est pas fédéraliste au Québec parce que Cornellier, Pratte, Dubuc et compagnie ont décidé que telle était la réalité. Pas très convaincant comme discours, à peu près tous l'admettront.
Malgré tous les défauts que peut renfermer notre méthode d'analyse, malgré notre ton vitriolique et nos emportements, malgré notre colère et nos oublis, il n'en demeure pas moins que Le Québécois a, dans le présent contexte, réalisé le travail le plus sérieux en ce qui a trait au parti pris fédéraliste des médias. Au lieu de refuser obstinément de reconnaître ce fait, ceux qui ne sont pas d'accord avec nous devraient se mettre sérieusement à la tâche pour circonscrire des preuves allant dans le sens contraire. Tant qu'ils éviteront de s'investir vraiment dans ce débat, nous n'aurons d'autres choix que de considérer qu'avec un grain de sel tout ce qu'ils pourront lancer comme arguments. Après tout, pour être considéré sérieusement, il faut sérieusement s'atteler à la tâche. C'est le b-a ba de tout débat intellectuel !
* Pour lire le texte de Louis Cornellier et pour y réagir:
http://lequebecois.actifforum.com/viewtopic.forum?t=551
Patrick Bourgeois
Dir. Journal Le Québécois
Pierre-Luc Bégin
Dir. Éditions du Québécois
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