Jocelyne Richer - Ottawa n'a pas à se mêler de développement énergétique et le Québec s'opposera à toute intrusion fédérale dans le dossier des interconnexions interprovinciales de lignes électriques, a dit le premier ministre Jean Charest, jeudi, adoptant ainsi une position qui risque fort d'envenimer ses relations avec Terre-Neuve, l'Ontario et Ottawa.
Alors que l'idée de construire une ligne d'interconnexion pancanadienne fait son chemin parmi les premiers ministres du pays, la pression s'accentue sur le Québec pour qu'il accepte de voir transiter sur son territoire l'électricité de Terre-Neuve vers l'Ontario.
Mais le premier ministre Jean Charest a été plus ferme que jamais, jeudi, à la réunion du Conseil de la fédération, pour dire qu'il n'accepterait jamais de se voir imposer par Ottawa une telle ligne de transport d'électricité.
«Ce que nous n'acceptons pas, c'est qu'on puisse passer sur le territoire québécois comme ça, sans conditions. On ne veut pas et on ne croit pas que le gouvernement fédéral doit s'immiscer là-dedans», a-t-il dit, en point de presse, en marge de la rencontre.
L'Ontario, qui veut éliminer le charbon de ses sources d'approvisionnement et qui fait face à une demande croissante, est intéressée à acheter l'énergie à venir du mégaprojet de la Basse Churchill, au Labrador.
Or, le projet, qui pourrait générer 2800 mégawatts d'électricité et alimenter 1,4 million de foyers, pourrait nécessiter l'intervention d'Ottawa, qui serait invité à endosser une garantie de prêt fédérale atteignant jusqu'à 9 milliards $.
«Il ne sera jamais question de ligne fédérale au Québec», a ajouté M. Charest, faisant valoir que l'énergie était de compétence provinciale et qu'Ottawa n'avait pas à s'immiscer dans ce marché.
De plus, Québec refuse mordicus de voir Ottawa financer le projet d'interconnexion entre Terre-Neuve et l'Ontario, faisant valoir que de tout temps le Québec a assumé seul la facture de construction de barrages et de lignes de transport.
«Est-ce que le gouvernement fédéral devrait intervenir pour financer la construction de lignes? C'est là-dessus où le Québec dit non», a-t-il déclaré.
Il existe déjà une convention voulant qu'un État nord-américain peut utiliser les lignes de transport d'électricité d'un autre, mais à condition, a expliqué M. Charest, «qu'il y ait de l'espace et qu'ils assument les coûts. C'est le prix qu'on doit payer si on veut faire partie d'un réseau nord-américain qui nous permet de vendre de l'énergie à nos voisins du sud».
De son côté, l'Ontario s'impatiente.
«J'aimerais que M. Charest et M. Williams (premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador) entrent dans une sorte d'accord pour qu'on puisse avoir accès à cette électricité le plus tôt possible», a déclaré le premier ministre Dalton McGuinty.
Pour satisfaire au plus tôt les besoins de sa province, M. McGuinty ne voit aucun problème quant à lui à voir Ottawa s'immiscer dans le dossier.
«Si c'est possible d'accélérer la création d'une ligne nationale et si on peut ajouter l'argent du fédéral hors du Québec, ce serait dans l'intérêt national», selon lui.
Curieusement, le premier ministre Danny Williams a quitté la rencontre de jeudi immédiatement après les discussions sur l'énergie, s'excluant ainsi des discussions sur les changements climatiques et les barrières au commerce interprovincial de jeudi après-midi et vendredi.
Il avait quand même pris le temps, avant de partir, de rendre public un document, endossé par ses homologues, qui définit les grandes orientations que les provinces s'engagent à respecter pour assurer un développement énergétique respectueux de l'environnement.
Ce n'est pas d'hier que les relations sont tendues entre le Québec et Terre-Neuve dans le dossier de l'énergie.
En mai 2006, M. Willliams jugeait qu'il n'avait plus besoin de partenaire pour développer la Basse Churchill et annulait l'appel d'offres, qui avait soulevé l'intérêt d'Hydro-Québec, en alliance avec SNC-Lavalin et l'Ontario.
Depuis, Terre-Neuve explore l'idée d'acheminer son électricité par voie sous-marine, vers les Maritimes pour livraison aux États-Unis, un scénario qui représenterait des coûts astronomiques.
Le 27 septembre, M. Williams, qui est reconnu pour son franc-parler, avait déclaré qu'il était dans l'intérêt du Canada de réduire sa dépendance envers l'énergie produite au Québec, en raison de l'instabilité de son climat politique.
Il a aussi déjà accusé le Québec de tenter de restreindre, à son profit, l'accès à d'importants marchés tels ceux de l'Ontario, en moussant ses projets de la Côte-Nord, au détriment de celui de la Basse Churchill dans sa province.
Par ailleurs, le document adopté par les premiers ministres jeudi stipule notamment qu'ils veulent «développer et améliorer des réseaux de transmission et de transport d'énergie modernes, fiables et sûrs pour l'environnement».
Intitulée Une vision partagée de l'énergie au Canada, la nouvelle «stratégie» s'en tient à des orientations très vagues, sans définir des obligations à respecter. On y parle par exemple de promouvoir l'efficacité énergétique, l'énergie propre et verte, et d'accentuer la recherche de nouvelles technologies.
Sur la délicate question des changements climatiques, source de division tant les intérêts des uns et des autres sont divergents, les premiers ministres ont passé l'après-midi à chercher des pistes de rapprochement. Ils ont dit espérer présenter vendredi une déclaration commune faisant état des progrès accomplis et de leur intention de poursuivre les discussions sur la meilleure façon de lutter contre les gaz à effet de serre.
Électricité: Québec s'oppose à l'intrusion du fédéral
Ce n'est pas d'hier que les relations sont tendues entre le Québec et Terre-Neuve dans le dossier de l'énergie.
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