Depuis le début de la campagne électorale, Andrew Scheer joue au gars ordinaire qui comprend les Canadiens qui peinent à payer leurs factures à la fin du mois. Le chef conservateur cible cette insaisissable « classe moyenne » avec ses nombreuses promesses.
Les aidera-t-il vraiment ? Avec ses crédits d’impôt (sport, art, transports en commun), pas beaucoup. Avec sa baisse du taux d’imposition, oui, à condition de réussir à la financer. Or, cela reste à prouver, car M. Scheer n’a pas encore dit comment il équilibrerait le budget malgré ces cadeaux.
La plus importante promesse conservatrice est de baisser le taux d’imposition pour la première tranche de revenus (entre 12 609 et 47 630 $). Cela signifie que tous les Canadiens payant de l’impôt en profiteront. C’est donc plus progressiste que la baisse faite par les libéraux en 2015, qui ciblait la deuxième tranche de revenus et avantageait plutôt ceux gagnant entre 47 000 et 200 000 $ par année.
Bien sûr, cette baisse libérale venait avec une hausse de l’impôt pour les revenus de plus de 200 000 $. Et elle venait aussi avec une nouvelle allocation familiale, une mesure progressiste qui a contribué à faire sortir 278 000 enfants de la pauvreté en seulement deux ans. M. Scheer a le mérite de ne pas vouloir détricoter cette allocation.
Pour les baisses d’impôt, le chef conservateur n’a pas tort de dire que sa promesse cible mieux la classe moyenne que ne le faisaient les libéraux en 2015. Le problème est ailleurs. Puisque cette baisse d’impôt touche beaucoup de Canadiens, elle coûte cher… Les conservateurs ont la prudence de l’appliquer graduellement. Reste qu’à terme, en 2023, elle privera Ottawa de 5,8 milliards par année.
M. Scheer n’a pas encore dit comment il hausserait les revenus ou réduirait les dépenses pour équilibrer le budget d’ici à la fin de son mandat. Ce ne sera pas facile.
Il est vrai que les finances publiques du Canada sont dans un état enviable (plus faible ratio dette/PIB du G7). Elles souffrent néanmoins de la double action de MM. Harper et Trudeau : le premier a baissé les revenus fiscaux, puis le second a haussé les dépenses. Ce ne sera pas idéal pour réagir à la prochaine récession.
M. Scheer a raison de dénoncer l’indiscipline des libéraux, qui ont violé leur promesse d’équilibrer le budget. Mais pour l’instant, lui aussi distribue de petits cadeaux.
Dans les derniers jours, le chef conservateur a promis le retour de trois crédits d’impôt : pour les activités sportives et artistiques des enfants ainsi que pour les cartes de transports en commun. Adoptés sous M. Harper, ces crédits avaient été éliminés par M. Trudeau. On comprend pourquoi : ils étaient coûteux et inefficaces.
Ces crédits ont plusieurs défauts. Le remboursement ne vient qu’à la déclaration de revenus. Et encore là, le parent doit se souvenir que le crédit existe et garder ses reçus. Tout cela pour un remboursement maximal de 150 $ par année pour le sport ou de 75 $ pour le ballet. Ces crédits complexifient notre régime fiscal, mais incitent peu les parents à inscrire un enfant à ces cours*.
Malgré ces critiques, reconnaissons que M. Scheer s’est soucié des moins fortunés – contrairement à celui de M. Harper, son crédit d’impôt est remboursable, ce qui signifie que les parents trop pauvres pour payer de l’impôt recevront quand même un chèque.
Et le crédit d’impôt pour les transports en commun ? Lui aussi n’est pas très efficace. La Chaire en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke a démontré qu’il avait un impact marginal sur le comportement. Plus de 95 % des personnes en bénéficiant prenaient déjà ces transports collectifs. Il serait plus efficace de miser sur l’offre en investissant massivement dans les métros, les trains et les bus.
Depuis le début de la campagne, M. Scheer répète qu’il se préoccupe des Canadiens aux revenus modestes. Mais pour les solutions, il mise encore un peu trop sur le marketing.
* Source : Awareness and Use of Canada’s Children’s Fitness Tax Credit, Revue fiscale canadienne (2013) 61 : 3, 599-632