Du fascisme

17. Actualité archives 2007


Au Moyen-Âge, prétend-on, le bon peuple aimait bien la Sainte Inquisition en autant qu'il n'en était pas lui-même la victime. Quand l'Église brûlait une sorcière, le public était toujours nombreux sur la place publique pour assister à son exécution, car cette représentation violente de la mort qu'on lui donnait confinait au théâtre : on allait au bûcher comme on allait au spectacle, la mise en scène y était fort habilement menée et les acteurs principaux, les condamnés à mort, étaient toujours à la hauteur du rôle qu'on les forçait à jouer.
Il ne fait aucun doute dans mon esprit que si la télévision avait existé au Moyen-Âge, les bûchers auraient occupé le premier rang pour ce qui regarde les cotes dites d'écoute ainsi que c'est le cas dans notre monde prétendument moderne et civilisé avec une émission comme Tout le monde en parle, que plus d'un million et demi de téléspectateurs regardent tous les dimanches.
Guy A. Lepage y joue à merveille le rôle du Grand Inquisiteur : bien qu'il se donne l'allure du baron de Du Guesclin, il ressemble à un jésuite qui, pour mieux tromper son monde, s'est fait un cache-couilles de son col romain.
Guy A. Lepage a quelque chose aussi de Ponce Pilate qui, sur son banc de juge, jouait toujours à l'innocent, ce qui lui permettait de s'en laver les mains avant comme après les exécutions qu'il préparait et conduisait machiavéliquement.
Le bon peuple y prenait plaisir, puisque Ponce Pilate paraissait lui donner le droit de déterminer si l'accusé était coupable ou non et, dans le cas qu'il l'était, de prononcer lui-même la sentence de mort.
Évidemment, les procès menés par Ponce Pilate n'étaient que des simulacres de la justice, le Grand Inquisiteur prouvant chaque fois qu'il était un expert dans l'art de piper les dés pour mieux arriver au résultat qu'il escomptait, c'est-à-dire faire condamner par la populace un individu dont on voulait se débarrasser.
Arcanes nauséabonds

Voilà donc ce à quoi je pensais ce dimanche soir-là que [Guy Fournier est passé devant le tribunal de Guy A. Lepage.->2010] Quelle naïveté chez un homme aussi rompu aux arcanes nauséabonds d'une télévision qui consent à tout du moment qu'il y a beaucoup de monde pour s'y rincer l'oeil!
En acceptant l'invitation de Tout le monde en parle, Guy Fournier ne pouvait ignorer qu'il s'y ferait piéger, puisque l'animateur a seul le droit de regard sur la mouture finale : en s'arrogeant le privilège de cisailler dans les entrevues qu'on lui donne pour n'en retenir que ce qui lui plaît, Lepage se comporte comme un fasciste, aussi bien dire comme les officiers de la Gendarmerie royale du Canada le font quand ils décident de se débarrasser d'un individu dont la tête ne leur revient pas : on triture son témoignage, on donne comme preuves ce qui n'est que oui-dire et ragots, on confie à de sales délateurs prêts à vendre père et mère le soin de faire d'un innocent un coupable qui mérite donc tout le mal qu'on pourra lui faire... en toute impunité.
Bien sûr, dans Tout le monde en parle on se contente de rire de celui dont on obtient la tête. C'est généralement Dany Turcotte, dit le Fou du roi, qu'on charge de cette odieuse besogne. Si Turcotte ne paraît que faire semblant d'y être le débile de service, il le fait avec tant d'empressement et de bonne volonté qu'on peut finir par croire que cette débilité-là, il la porte véritablement en lui.
Turcotte joue le rôle le plus honteux que l'on puisse jouer à la télévision, celui du coupe-jarret, celui de l'exécuteur des basses oeuvres d'un Guy A. Lepage dont l'ego est à ce point devenu grand que toute critique de son émission constitue un crime de lèse-majesté.
Comme on sait par ailleurs, les critiques de notre télévision étant plutôt des liche-majestés, ce n'est donc pas demain qu'on sortira du bois! (...)
Victor-Lévy Beaulieu
_ L'auteur est écrivain.

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Victor-Lévy Beaulieu84 articles

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Victor-Lévy Beaulieu participe de la démesure des personnages qui habitent son œuvre. Autant de livres que d'années vécues, souligne-t-il à la blague, comme pour atténuer l'espèce de vertige que l'on peut éprouver devant une œuvre aussi imposante et singulière. Une bonne trentaine de romans, une douzaine d'essais et autant de pièces de théâtre ; des adaptations pour la télévision





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