Du bien bon monde

Face à Mulroney, le pestiféré, Chrétien prenait du gallon.

L'affaire Mulroney-Schreiber


Les Québécois sont du bien bon monde. À l'extrême. Prenez la tournée de Jean Chrétien. Au Salon du livre, après que Brian Mulroney n'ait eu que quelques visiteurs, on se bousculait au portillon pour se faire dédicacer le deuxième tome des mémoires de Jean Chrétien.
Face à Mulroney, le pestiféré, Chrétien prenait du gallon. Faisant figure de visite rare, les médias se l'arrachaient. On se surprenait à le trouver drôle, divertissant, presque sympathique. Mais à force de l'écouter et la mémoire des choses revenant, Chrétien redevenait ce qu'il a toujours été: le petit «Canadien français», ennemi des séparatisses et adorateur du plus meilleur pays du monde. Voici quelques perles tirées de ses entrevues.
Que voulez-vous?
Sur le scandale des commandites: «On a dit: on va vendre le Canada! Pis, si y a eu des voleurs, qu'on les mette en prison!» Sur la commission Gomery: «Pendant la grève du hockey, ça été le show à télévision à toué soirs. Vous avez augmenté votre cote d'écoute. Vous étiez bien contents à Radio-Canada!»
Sur les accommodements raisonnables: «Quand nos sœurs à cornette arrivaient en Chine, fallait que les Chinois s'accommodent!» Sur le niqab: «Moi, une femme qui veut se cacher le visage, je trouve ça dommage pour elle. Mais ça me dérange pas.» «Pis nous, on était catholiques à l'extrême. On l'est un peu moins aujourd'hui, MALHEUREUSEMENT.»
Puis, à la sauce Elvis Gratton: «Quand je me fais la barbe le matin, j'ai pas besoin d'essayer de savoir quel est mon personnage. Mon pays, c'est le Canada. Ma province, c'est le Québec. Ma langue, c'est la langue française. Ma religion, c'est la religion catholique. Ma région, c'est la Mauricie.» Alouette! Sur l'Afghanistan: «Quand y a une guerre, y a des morts!» Sur le Québec: «Le mot nation, c'est un mot qui veut tout dire, pis qui veut rien dire!»
Chrétien a su cultiver son personnage de paysan peu menaçant pour des Canadiens qui aimaient bien le «little guy from Shawinigan». Pourtant loin d'être inculte, il s'est fait un plaisir d'incarner l'antithèse de l'intellectuel pendant que Trudeau, son mentor, jouait le rôle contraire. Un genre de Laurel & Hardy de l'unité canadienne.
Mais au-delà de l'image, ils avaient en commun de s'identifier comme des «Canadiens français» prêts à se battre contre les séparatisses crûment, sans états d'âme ni hésitation à y mettre les sommes nécessaires. Surtout, ils se sont fait une fierté de combattre ce qu'on appelait un «statut particulier» pour le Québec. Être fédéraliste est tout à fait légitime. Mais l'être et combattre le renforcement de sa propre «province» au sein du Canada, c'est comme une femme qui se bat contre l'équité salariale et qui en serait fière!
Jean Chrétien dit que «la politique, c'est l'art de marcher le dos au mur, les coudes élevés et le sourire aux lèvres». Mais ça devait quand même faire mal aux articulations de l'avoir fait aussi longtemps les genoux cloués au sol.
Bonjour la police!
C'est fascinant de voir tout ce qui grouille autour de l'establishment à Ottawa, libéral ou conservateur, chercher maintenant à détourner l'attention de l'affaire Mulroney-Schreiber. De plus en plus, on demande que le mandat de l'enquête publique ordonnée par Stephen Harper soit limité dans le temps et ne touche que Mulroney. Quant à Karlheinz Schreiber, on souhaite qu'il retourne en Allemagne au plus vite (l'homme a dit que s'il était extradé, il ne dirait plus un mot sur ce qu'il a fait au Canada!).
Même Chrétien, traumatisé par Gomery et craignant peut-être que sortent aussi les amitiés «libérales» de Schreiber, demande à Harper de se contenter d'appeler la police! C'est que Schreiber a longtemps frayé autant dans les cercles libéraux que conservateurs, à Ottawa et dans des capitales provinciales. (Schreiber est ce lobbyiste influent qui distribuait des «commissions» en échange de contrats gouvernementaux lucratifs pour des compagnies, dont Airbus. En 1993-1994, Mulroney aurait reçu de lui 3 enveloppes de 100,000 $ en argent comptant pour des raisons qui demeurent contentieuses.)
Schreiber semble en savoir beaucoup sur beaucoup de monde. Mais en tant que lobbyiste, il en sait aussi beaucoup sur les moyens que prennent de puissantes compagnies pour obtenir de gros contrats gouvernementaux un peu partout dans le monde. Pas sûr que dans le plus meilleur pays du monde, on veuille entendre parler de telles choses en public.
Bref, vous pouvez gager un petit deux que l'establishment aura ce qu'il veut: une enquête au mandat TRÈS, TRÈS, TRÈS limité.
Jeunes adéquistes Inc.
Les jeunes adéquistes veulent couper les vivres aux assistés sociaux «aptes au travail» après quatre ans. Mais pourquoi s'arrêter là? Pourquoi ne pas les condamner à filtrer les appels dans les «lignes ouvertes» où ceux qui ont le temps de téléphoner se plaignent des «maudits BS paresseux»?
Et pourquoi ne pas appliquer la même formule aux députés qui servent toujours à rien après quatre ans? Ah oui. C'est vrai. Ça existe déjà. Ça s'appelle une élection. Heureusement pour les jeunes adéquistes, bien au chaud dans leurs préjugés, c'est un test qu'ils n'auront pas à subir...
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