Vers une hausse des tarifs en 2011

Doit-on démanteler les vaches sacrées québécoises?

Chronique d'André Savard


L’expression revient souvent sans que l’on sache précisément ce qu’elle désigne. Elle augure toujours une offensive contre une création jugée trop sociale de l’Etat québécois. Une fois, ce sera pour prôner la privatisation progressive d’Hydro-Québec, une autre fois pour scinder quelques monstres victimes de leur gigantisme comme le serait la Caisse de dépôt.
Pour ce qui est de la Caisse de dépôt une singulière méfiance l’entoure désormais. Son nouveau patron n’a pas la crédibilité nécessaire pour orchestrer une refonte de ses pratiques, encore moins pour la mettre en pièces détachées. Remarquez… On ne sait jamais…
Le gouvernement Charest fait souvent des bourdes en commençant par des sorties contre les visions « trop totalisantes », les convictions trop monolithiques. Jusqu’à présent, cela nous a donné la réingénierie, le partenariat public-privé du CHUM, et la décomposition de l’autorité montréalaise en arrondissements. Ne soyons donc sûr de rien, surtout que ce gouvernement est là pour quatre ans.
La présentation de la ministre des finances n’aura rassuré personne. Elle nous a appris que, bien qu’ayant communiqué quotidiennement avec les patrons de la Caisse, ce n’était pas pour se voir transmettre des informations se rapportant à la Caisse.
En pleine déconfiture, pour préserver l’ignorance statutaire de la ministre, les échanges portaient sur des petites pratiques, peut-être même sur les intrigues de l’émission Virginie ou sur la pertinence d’invoquer Saint Antoine pour que les vieilles dames retrouvent leurs bijoux et leur sacoche. Comme la ministre avait la main sur la Bible, il faut croire que c’est bien possible.
Faute de réponse, on a eu droit la même journée à une nomination à la Caisse de dépôt désavouée par plusieurs amis du régime. Comment se faisait-il que le nouveau président n’avait aucune expérience des placements et une vision moins que minimale de la dynamique financière du Québec? La conférence de presse des émissaires du gouvernement voulait plutôt nous apprendre que la comparaison avec les trois singes asiatiques se bouchant oreilles, yeux et bouche ne correspond ni à la décence ni au bon goût.
Le nouveau mandat du gouvernement Charest s’ouvre comme le premier par une « entreprise de réflexion ». On connaît l’argument. Le Québec trop fondé en doctrine s’accrocherait à des solutions désuètes. Happés par de fausses questions nationales et un idéal d’organisation globale de la société, le Québec se serait assigné la responsabilité de prendre en charge les individus. Ceci n’encouragerait ni l’effort ni la productivité.
La nouvelle « donne » économique nous montrerait qu’un bon coup de barre est nécessaire. Comme première étape menant à la responsabilisation individuelle, nous devrions maintenir les baisses d’impôt et même viser l’offre d’avantages fiscaux comparables à ceux ayant cours dans d’autres Etats de l’Amérique du Nord.
Il est vrai que l’indexation systématique des tarifs est une mesure largement pratiquée dans plusieurs pays. Il se commet cependant un oubli quand le gouvernement vante l’augmentation des tarifs. On parle de tarification, pas d’augmentation du revenu disponible. Si les tarifs d’électricité augmentent plus vite que les revenus disponibles, cela signifie qu’une plus large part de l’argent des ménages sera consacrée au logement.
Si vous augmentez les tarifs selon la courbe d’inflation calculée globalement, l’appauvrissement des ménages risquent d’excéder le chiffre officiel de la montée de l’inflation. Les produits de luxe et les automobiles ont vu leurs prix baisser mais les denrées de base ont augmenté de sept pour cent. Le riche peut rattraper ses dépenses d’épicerie en économisant sur l’achat de ses modèles haut de gamme. Il n’en va pas de même pour le citoyen ne comptant que sur de bas revenus ou des revenus moyens.
Les partisans de l’augmentation systématique des tarifs se servent du concept de la valeur réelle des services. Ils traitent des services comme s’il s’agissait de biens de consommation ordinaires. Le prix fixé doit correspondre au prix du marché mondial. On n’aurait pas à accorder des services à rabais, pas plus que le marché ne vous laissera acheter un bluray au prix d’un dvd ordinaire.
Le problème c’est que nous sommes plus dans l’ordre des choix mais dans l’ordre des besoins. Plus le budget familial passe dans l’octroi des services de base, moins il alimentera le commerce aux détails. On risque fort de se retrouver dans des villages où le seul commerce qui fasse encore des profits soit le marché d’alimentation.
Il existe des Etats américains où un très large pourcentage du parc immobilier est occupé par des roulottes. C’est une des conséquences de la tarification à outrance sans égard aux revenus disponibles. Fatalement, les individus sont réduits à rogner sur leurs dépenses essentielles d’où moins de constructions, moins d’entreprises privées et aussi moins de gens capables de se payer l’accès au marché du travail.
On voyait le phénomène au Québec dans les années 80. Des mères n’avaient pas les moyens d’aller travailler et de payer la garderie. La simple exigence du calcul mathématique leur intimait de rester toute la journée avec leurs enfants bien cramponnées au régime d’aide sociale. La prochaine fois donc qu’on lira que la fixation des tarifs au prix des marchés favorisent la créativité individuelle, ayons cela en mémoire pour marquer les dièses et les bémols.
Selon des sondages récents (les chiffres manquent pour le Québec en particulier) quarante-sept pour cent des Canadiens disent se priver de denrées essentielles pour joindre les deux bouts. Pour ces gens, l’augmentation des tarifs ne signifient pas qu’ils vont rogner sur le superflu pour payer leurs services de base. Cela signifie plutôt qu’ils vont davantage couper sur l’essentiel.
Certains proposent, pour éviter des injustices, de ne pas fixer l’augmentation tarifaire sur le taux d’inflation et de se référer à l’enrichissement collectif. Dans la mesure où il y a hausse des salaires, on monte les tarifs. Ainsi, les services de base à moindre coût ne serviraient pas à financer un deuxième séjour en République Dominicaine après les vacances d’hiver à Cuba.
La faille de ce scénario vient du fait que l’enrichissement ne touche pas tout le monde de façon égalitaire. La prospérité de certaines classes professionnelles peut augmenter de quatre pour cent par exemple alors que d’autres classes sociales s’enfonceront dans la régression et la faim.
On veut dit-on défaire des vaches sacrées québécoises. Celles-ci alimenteraient un totalitarisme dont l’individu fait les frais. Le développement durable de nos jours serait guidé par des formules variables qui se guident en fonction des préférences individuelles. Si on regarde bien concrètement les mesures que cette tirade propose, on voit qu’elle ne mène ni à la complexification ni à la diversification de l’économie.
André Savard


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