Jacques Parizeau a l'habitude de faire des remontrances à ses successeurs. Il a déjà dit que, s'il avait su ce qu'il adviendrait du projet souverainiste, il n'aurait jamais démissionné.
Avant même que Bernard Landry ne devienne officiellement chef du PQ, en mars 2002, il lui avait adressé une «Note sur la stratégie politique des souverainistes», qui s'était retrouvée dans le Globe and Mail. Il lui suggérait notamment de ressusciter le Conseil de la souveraineté, d'actualiser les études commandées douze ans plus tôt par la commission Bélanger-Campeau et de confectionner un nouveau budget de l'an 1.
Qu'il ait été d'accord ou non avec ces recommandations, M. Landry avait obtempéré sur-le-champ. Il ne pouvait tout simplement pas se permettre de l'envoyer paître sans fragiliser gravement son leadership.
À six mois du congrès où elle devra se soumettre à un vote de confiance, Pauline Marois peut encore moins ignorer la dernière remontrance de M. Parizeau, qui la trouve trop timide dans sa promotion de la souveraineté. Sans être une invitation au putsch, les félicitations qu'il a adressées à Gilles Duceppe pour la clarté «tout à fait remarquable» de son discours à Washington avaient valeur d'avertissement.
Mme Marois a dû prendre avec un grain de sel les assurances de loyale collaboration du chef bloquiste. Elle n'a certainement pas oublié ce qui s'est passé lors de la démission d'André Boisclair, même si elle a eu le dessus. Entre les deux leaders souverainistes, il ne peut y avoir qu'une confiance limitée.
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Condamné à l'opposition perpétuelle, il est facile pour M. Duceppe de jouer au chevalier de l'indépendance. Ceux qui le trouvent «plus inspirant» devraient néanmoins avoir à l'esprit ce qu'il disait de la démarche proposée par Mme Marois en juin dernier.
Contrairement à M. Parizeau, le chef du Bloc estimait que la réclamation de nouveaux pouvoirs était «la bonne stratégie» pour le camp souverainiste. «Actuellement, c'est l'immobilisme le plus complet et il importe, je pense, qu'un gouvernement du Parti québécois fasse avancer le Québec, tout en sachant que notre option, c'est la souveraineté», avait-il déclaré.
Il faisait valoir que «les trois gros gains depuis 40 ans» avaient été obtenus par des gouvernements péquistes: l'entente Cullen-Couture sur l'immigration, l'entente sur la main-d'oeuvre et l'amendement constitutionnel qui a permis la création des commissions scolaires linguistiques.
Les critiques de M. Parizeau n'en reflètent pas moins ce que pensent plusieurs députés péquistes, même si Lisette Lapointe est la seule à pouvoir le dire en toute impunité. Ils ne remettent pas en question le leadership de Mme Marois, mais elle serait bien avisée de prendre acte de ces préoccupations avant de faire face à une fronde.
La semaine dernière, la chef du PQ a dissous le comité d'une dizaine de députés qui avait été créé il y a deux ans pour rédiger le nouveau «plan pour un Québec souverain». Autrement dit, elle entend désormais être la seule à définir la stratégie. Inutile de dire que le geste a déplu.
Comme cela arrive généralement quand on n'ose pas s'en prendre directement au chef, on montre du doigt l'entourage de Mme Marois, plus précisément sa chef de cabinet et grande amie, Nicole Stafford, mais le fond du problème est qu'on la soupçonne toujours d'être plus motivée à devenir la première femme à gouverner le Québec qu'à tenir un référendum. Pour dissiper le doute, ou tout au moins l'atténuer, il lui faut trouver une façon d'associer plus étroitement les députés et les instances du parti à la démarche vers la souveraineté.
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Bien entendu, le premier ministre Charest ne demande pas mieux que de faire de la tenue d'un référendum le principal enjeu de la prochaine élection. Pour Mme Marois, il s'agit donc de laisser croire à la population qu'il n'y en aura pas au cours d'un premier mandat, et peut-être même d'un second, sans décourager ses militants pour autant.
Comme par hasard, le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, a pris prétexte du 15e anniversaire du 30 octobre 1995 pour relancer l'idée du référendum d'initiative populaire, que Mme Marois avait pourtant écartée de façon catégorique au conseil national de mars 2008, lors d'un affrontement mémorable avec le président du SPQ Libre, Marc Laviolette. Suivant une pratique qui existe dans plusieurs pays, un référendum sur la souveraineté ne serait tenu que si un million de Québécois signaient une pétition à cet effet.
«De cette façon, les partis politiques sont déchargés de la question de savoir quand déclencher le référendum: c'est le peuple qui va décider quand, explique M. Cloutier dans un texte publié jeudi sur le site vigile.net(1). Immanquablement, un suspense se créera autour du baromètre et tout le monde parlera d'indépendance sans même que le PQ ait à faire campagne.»
Mieux encore, «en cas d'échec, on ne pourra pas dire que les Québécois ont rejeté l'indépendance, mais simplement qu'ils ne voulaient pas se prononcer sur la question: mauvais "timing" et à la prochaine fois». Au point où on en est, pourquoi pas?
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mdavid@ledevoir.com
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Note de Vigile: "à des fins de précisions, permettez-moi de vous préciser que l’auteur de l’article n’est pas le député Alexandre Cloutier mais bien une autre personne qui porte le même nom."
Pierre Bouchard (dans les commentaires)
Attaché politique du député Alexandre Cloutier
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