Voilà ce qui ressort du conseil national organisé par le parti souverainiste à Saint-Hyacinthe, la fin semaine dernière. Derrière la belle unanimité que les médias ont rapportée se cache, en réalité, une lutte intestine qui culminera si le Parti québécois prend le pouvoir.
Pour l’heure, tout paraît calme chez les péquistes, au sortir de leur rencontre. Tous sont d’accord pour reléguer aux oubliettes l’obligation de tenir un référendum « le plus tôt possible dans un prochain mandat. » Les délégués veulent aussi que leur parti boude la gouverne provinciale en posant des « gestes souverainistes », tels que l’adoption d’une constitution du Québec ainsi que l’établissement d’une citoyenneté québécoise.
Il était néanmoins possible de déceler une double interprétation, derrière l’enthousiasme de certains indépendantistes de la première heure, présents à la réunion. Le cinéaste Pierre Faladeau, par exemple, s’est dit ravi que l’on parle enfin du pays, plutôt que de référendum. Son bref commentaire entendu sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada samedi, ne laisse planer aucun doute quant à l’espoir que l’homme caresse, suite à la nouvelle direction qu’a prise le Parti québécois, à la demande de Pauline Marois. L’homme souhaite en effet que le mandat de gouvernance nationale obtenu par voie élective, convainque éventuellement les Québécois de faire l’indépendance par un autre moyen que la démarche référendaire.
Gérald Larose aussi dissimule à peine son vœu de voir le PQ déjouer les plans d’Ottawa et des troupes fédéralistes, en voyant le parti contourner la joute référendaire ultime qui effraie tant les Québécois. Exit ainsi le spectre du cul-de-sac politique qui colle dorénavant au processus référendaire, impasse qui pourrait se solder par d’autres sanctions semblables à l’étranglement fiscal qui a asphyxié scandaleusement l’État québécois et son peuple, depuis 1994.
Ils étaient ainsi plusieurs militants présents à Saint-Hyacinthe à avoir acheté la paix, en attendant que le Parti québécois chasse les libéraux du pouvoir. L’image d’unité à laquelle ils ont contribué ne nuira sûrement pas à ce qu’advienne plus rapidement cet objectif. Une fois à la tête de l’Assemblée nationale, ce sera alors le moment d’attiser l’appétit de la population envers la gouvernance nationale. D’autres conseils nationaux fourniront l’occasion de persuader les délégués qu’il faut multiplier les « gestes souverainistes », et d’ainsi habituer le Parti québécois, de même que la population, à utiliser la voie électorale pour entériner le tout. Comme l’a fait Jean Lesage en 1962 pour nationaliser l’hydroélectricité, seulement deux ans après sa victoire initiale. « L’équipe du tonnerre » avait alors reçu un appui lumineux de plus de 55% des électeurs.
Nombre de souverainistes qui ont participé aux travaux au conseil national croient que l’abandon de l’obligation de tenir un référendum marque une première étape vers son retrait définitif. D’où leur « grande docilité » dans les ateliers qui ont mené à l’adoption paisible des 79 propositions. Qui peut les en blâmer? N’y a-t-il pas matière à être enchanté, lorsqu’il est question de confectionner le menu qui nourrira la gouvernance nationale? L’inquiétude que cela suscite chez l’éditorialiste André Pratte du journal La Presse leur suffit pour estimer que la nouvelle stratégie péquiste est la bonne afin de crever irrévocablement l’abcès référendaire.
Reste à savoir si le Parti québécois agira avec la même témérité que celle qui animait les candidats de l’Action démocratique, durant la dernière campagne électorale. La bande à Mario Dumont ne se gênait pas d’affirmer qu’elle n’attendrait pas la permission d’Ottawa pour agir. Il était même question d’abolir l’impôt fédéral et de rédiger dorénavant qu’une seule déclaration de revenu! La formation de Pauline Marois voudra-t-elle « étirer l’élastique » au maximum, comme le disait celui qui a finalement obtenu le poste de chef de l’opposition officielle à Québec?
Des péquistes toutefois ne se bercent pas d’illusions. Ceux-ci ne ressentent absolument pas la belle euphorie qui enivre présentement leur collègue. Pas de doute que le Parti québécois ne renoncera pas à l’étapisme référendaire et demeurera en conséquence attentiste. Malgré les gestes souverainistes qu’il projette d’adopter, le PQ refusera de s’aventurer dans l’illégalité, en ayant recours au besoin à la clause nonobstant. Le moment venu, la formation souverainiste s’embourbera encore dans l’ornière référendaire, faisant fuir de nouveau les Québécois qui ne veulent pas d’un match suicide contre un adversaire sans scrupule.
C’est pourquoi l’ex-député de la circonscription de l’Assomption, Jean-Claude Saint-André, s’est abstenu, au moment d’adopter la résolution abandonnant l’obligation de tenir un référendum dans le prochain mandat. L’idée de débattre de la souveraineté avec la population, sans que cela n’aboutisse à quelque chose de concret, l’a amené à dénoncer cette « démission » de Pauline Marois, face à l’article 1 de son parti. L’homme aurait souhaité, à tout le moins, la promesse de gestes de rupture entraînant irrémédiablement le Québec vers l’indépendance. À ses yeux, le projet de gouvernance nationale ne quittera pas le périmètre provincial.
Les militants qui ont refusé de s’afficher aux côtés de monsieur Saint-André dimanche dernier rêvent d’un autre dénouement. Pas de doute qu’ils agiront parallèlement à l’intérieur du parti, dans les mois à venir, afin de donner l’impression aux autres que la mise au rancart du référendum n’est pas que passagère : un nouveau mode d’accession à l’indépendance serait en effet en gestation. On ne peut que leur souhaiter bonne chance!
Patrice Boileau
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7 commentaires
Archives de Vigile Répondre
19 mars 2008Depuis quand un chef de parti politique peut, de son propre gré, jeter à la poubelle le programme de son parti et en faire ce qu'il veut?
A quoi sert le Congrès national, si le chef peut se départir des résolutions votées majoritairement? Vous approuvez «l'inaprouvable» et vous semblez trouver ça drôle. Pas moi!
Vous approuvez Boisclair avec sa feuille de route Monsieur Bousquet?
Pierre B.
Archives de Vigile Répondre
19 mars 2008M. Pierre B.
Un programme ce n'est pas un but pris dans le ciment ça, c'est, avant tout, me semble, un moyen qu'il faut adapter ou changer quand le chef juge nécessaire de le faire, principalement s'il a l'accord d'une bonne partie de ses membres dans un Conseil bien représenté.
Si ça prend l'aval du prochain Congrès pour confirmez le tout pour que ça soit tout bien légal, pas de problème, ça devrait se faire. "Quand il faut sortir du programme pour améliorer les choses, le chef doit prendre des initiatives, aller au plus urgent". Si ses membres ne sont pas contents, ils le ou la sortiront. Les membres du PQ sont très bien entraînés à la chose, "mieux que pour un coach au hockey".
Archives de Vigile Répondre
19 mars 2008Pour en revenir sur le fait que "les québécois ne veulent pas de référendum", je crois qu'il faut clarifier cette affirmation. Ce ne sont pas les québécois qui ne voulaient pas de référendum, ce sont les fédéralistes qui n'en voulaient pas et qui ont attibué ce fait aux québécois. Les fédéralistes ne voulaient pas de référendum car ils savaient très bien qu'ils allaient le perdre à moins de prendre des moyens malhonnêtes, anti-démocratiques pour le gagner, ce qu'ils ont fait. Evidemment, ils auraient bien aimé éviter prendre ces moyens malhonnêtes et anti-démocratiques qui les discréditeraient et c'est pourquoi ils ont détourné un geste démocratique qu'est un référendum en une action non souhaitable.C'est ainsi qu'ils ont donné un aspect abominable à un geste qui est pourtant souhaitable par tout peuple démocrate, ce qu'est le peuple québécois. En conséquence, dorénavant, ce qui est important, ce n'est pas de parler de référendum mais bien de démontrer et dénoncer la dictature fédéraliste afin que les québécois se rendent compte de la nécessité de se séparer de cette dictature pour vivre enfin libre.
Archives de Vigile Répondre
19 mars 2008Monsieur Bousquet,
Approuvez-vous le détournement de programme du PQ, lors du dernier Conseil national?
Avez-vous déjà vu cela dans l'histoire politique du Québec?
Moi,...NON | Si vous approuvez cela, c'est que vous n'êtes pas le démocrate que vous semblez nous présenter dans vos interventions.
Pierre B.
Archives de Vigile Répondre
19 mars 2008Le PQ a un nouveau chef qui prend des initiatives pour changer de tactique afin de ne pas se cogner à répétition sur le même mur et voir si un nouveau pourrait être plus facile à gravir.
Est-ce que les Péquistes peuvent lui faire confiance un peu à ce nouveau chef à la place de tenter de deviner, sans aucune preuve, que ses intentions ne sont peut-être pas les bonnes. Faudrait qu'une certaine forme de paranoïa péquiste se calme un peu avec quelques pillules d'optimisme.
Les gérants d'estrades sont impatients quand ils ne sentent pas assez la coupe après une défaite de leur club préféré. Nous avons des bons joueurs de concession qui n'ont pas tant besoin de leçons de patins des spectateurs que d'encouragement et d'applaudissements des amateurs sans être trop chahutés par leur propre partisans, ce qui tend plus à décourager qu'à faire avancer.
Plusieurs objectifs souverainistes/autonomistes sont similaires et pourraient être l'objet de coalitions entre le PQ et l'ADQ. Si les chefs de ces partis arrêtent de s'insulter, ils pourraient travailler à faire avancer le Québec dans la direction désirée d'une façon efficace si l'esprit partisan pouvait le permettre.
Archives de Vigile Répondre
19 mars 2008La nouvelle démarche péquiste ressemble au bon gouvernement de René Lévesque (1976). La suite est connue.
Les Québécois aiment se faire leurrer. Ils aiment qu'on leur raconte des rêves. Ainsi, la réalité, celle à laquelle ils devraient s'attaquer, leur échappe.
Pierre B.
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
19 mars 2008C’est devenu évident qu’Ottawa attend désormais les Québécois dans un référendum comme l’armée britannique attendait les Patriotes désarmés. C’est sans doute ce qui motive Larose (et Falardeau?) à rejeter cette voie, semant ainsi ce vent d’unité au parti, propice à l’éjection rapide de Charest.
Si la tactique énerve le petit pratte, elle ne devrait pas être traitée, de l’intérieur, comme une sombre lutte intestine pour « acheter la paix ».
La phase qui suivra, à partir de la Chaise, s’élaborera à la cadence de la compréhension de la population de la nécessité de s’imposer. Ce sont les Québécois eux-mêmes, instruits de leur marge de manœuvre qui s’étrangle, qui pousseront le parti à encourager sa chef vers des audaces progressives.
Ainsi, ne devrions-nous pas éviter les tournures journalistiques gescaïennes du genre : « Derrière la belle unanimité… se cache… » ?