Pauline Marois serait donc d’accord à ce qu’il y ait des États généraux sur l’indépendance (ÉGI). Il y en aura fallu du brasse-camarade pour y arriver. Que dis-je! Le terme «brasse-camarade» est en fait un euphémisme! Car sa volte-face résulte en fait de la crise sans précédent que vit le PQ. Et ce n’est pas fini.
Certains diront avec toute leur morgue «Trop peu, trop tard!», d’autres crieront à la diversion, plusieurs parleront de perte de temps et d’énergie. Quoiqu’il en soit, j’estime que Mme Marois fait un pas dans la bonne direction. Dommage, cependant, que cette soudaine volonté d’aborder les questions de fond ne soit pas survenue bien avant.
Gérald Larose, président du CSQ, aura fort à faire dans les jours à venir. Une réunion du Conseil se tiendra le 9 septembre prochain. Il y a fort à parier que les discussions seront animées. Face à un PQ affaibli, à un Bloc exsangue, je me demande quelle sera la teneur des propos des représentants de Québec Solidaire sur cette question. Si on se fie aux propos de Françoise David, il se pourrait que sa formation soit en faveur. Parions cependant que, si c’est le cas, QS va tenter d’imposer ses conditions. Si c’est pour assurer la transparence et assurer une représentativité réelle du processus, alors ce sera tant mieux. J’ai aussi bien hâte d’entendre les représentants de Cap sur l’indépendance, du NMQ, du Mouvement laïque québécois, et de tous les autres. Je me suis souvent prononcé en faveur d’États généraux sur Vigile, un point de vue à la fois appuyé et décrié. Je persiste et signe : il y a longtemps que l’exercice aurait dû être accompli. La défaite référendaire de 1995 l’exigeait, et non pas quelque 17 ans plus tard.
Mais ne brûlons pas les étapes : la cause des États généraux n’est pas encore gagnée. Les fureurs divisionnistes inspirées par toutes les «lignes justes» existant en ce bas monde s’activeront. C’est certain, plusieurs voudront faire déraper le processus sous prétexte que seule une question portant sur l’indépendance doit être soumise au peuple. D’autre part, les dogmatiques libertariens s’y opposeront sans doute, prétextant que ces ÉGI sont commandités par les tenants d’un étatisme dépassé, tandis qu’à l’autre bout du spectre - la gauche extrême - y verra plutôt une manœuvre des nationalistes néo-libéraux pour entraîner le peuple québécois sur la voie d’un réformisme sans issue. Et que dire des «carriéristes de la souveraineté» qui voudront convaincre tout un chacun de se contenter du plus petit commun dénominateur. Quoi? Faire le point sur l’état de la nation et notre État serait une perte de temps qui ne viserait qu’à limiter les droits «inaliénables» de l’individu? Établir des lignes fortes pour ensemble converger vers l’émancipation de notre nation serait un processus collaborationniste visant à nous assujettir aux diktats des oligarchies? Revenir aux préceptes de la «bonne gouvernance souverainiste» ? Désolé, mais je ne m’abreuve pas à ces auges.
Des ÉGI, c’est sérieux. Ce n’est pas un exercice de défoulement collectif. C’est pour construire, pas pour se convaincre de faire encore plus de ce qui ne fonctionne pas. Surtout, des ÉGI ne devraient pas seulement porter sur le comment accéder à l’indépendance, quoi qu’étant consubstantiel au comment.
Des ÉGI, pourquoi?
-* • Pour faire le point sur l’état de la nation en matière politique, économique, sociale et culturelle;
-* • Pour établir des lignes directrices visant la construction de la nation et de son État en regard de ce qui précède;
-* • Pour élaborer les prémices d’une réforme démocratique s’inspirant de valeurs républicaines;
-* • Pour imaginer un mécanisme opérationnel de mise en œuvre visant la convergence via une concertation librement consentie, et dont le but final est d’accéder à l’indépendance.
Des éléments qui sont essentiels à notre émancipation devront être discutés, comme par exemple :
-* • La réforme démocratique (constituante, mode de scrutin, pouvoirs des régions, référendums, etc.);
-* • Le contrôle de nos ressources naturelles et le développement durable;
-* • Le développement économique national et local;
-* • La culture et la langue;
-* • La répartition de la richesse collective;
-* • L’autonomie des Premières Nations;
-* • L’immigration;
-* • L’éducation ;
-* • La laïcité;
-* • Le rôle du Québec à l’heure de la globalisation, etc.
-* • Et bien entendu, comment construire tout ça (indépendance et ce qui est réalisable dans le cadre canadien).
La tâche est gigantesque, mais elle est à la hauteur de nos aspirations. Selon certains, nous devrions nous éviter cet exercice et faire l’indépendance avant. Faire l’indépendance avant de savoir ce qu’on veut et sans savoir où on veut aller? Il faut être drôlement déconnecté du monde réel pour penser ainsi. Penser que l’on peut faire l’indépendance en tablant uniquement sur les questions identitaires ou en affirmant sans rire qu’on ne pourra assurer l’avenir de la nation que par l’indépendance sans préalablement s’attarder sur le «quoi», voilà une belle façon de confier la destinée d’un peuple aux seuls substrats de la pensée magique.
Et ces États généraux, comment les réaliser?
D’abord, disons que nous sommes très en retard. Des ÉGI, ça ne s’organise pas en criant lapin. Contrairement à ce qu’a pu laisser croire Pierre Curzi, il ne suffit pas de faire une série d’assemblées publiques ou encore de se payer un Lac à l’Épaule pendant une fin de semaine. Et il faudra du fric, et ce fric ne viendra pas des gouvernements, encore moins de programmes de financement existants.
Nous sommes dans un sérieux creux de vague, et peut-être s’agit-il davantage qu’un creux. Il est évident que le CSQ devra d’abord obtenir l’adhésion de ses membres. Le PQ devra être de bonne foi, QS aussi. Quant au Bloc moribond, sa base se retrouve déjà dans tout ce qui existe, et on sait à l’avance qu’il ne pourra être contre.
Il y a la société civile et les mouvements citoyens qui devront être rejoints. Leur rôle sera primordial. Et je ne parle pas seulement d’organisations indépendantistes. Il faut faire dans la largeur, sans compromis. Syndicats, mouvements autochtones, intellectuels, décideurs et acteurs économiques, monde culturel, étudiants, et j’en passe, tous devront être représentés lors des États généraux, ces derniers ne pouvant se permettre d’être l’affaire d’une clique prétendument éclairée. Tous les réseaux devront être mis à contribution pour assurer une représentativité significative de la société québécoise. Gilbert Paquette, le président des Intellectuels pour la souveraineté, devrait être appelé à jouer un rôle central dans l’organisation de ces ÉGI. Bref, je suis totalement en accord avec le texte de Jean-Pierre Bélisle, publié sur Vigile le 29 août, et aussi avec celui de Normand Perry publié aujourd’hui.
Les jours et les semaines à venir seront déterminantes
Aujourd’hui, alors que le PQ risque d’être rayé de la carte, Pauline Marois s’ouvre «soudainement» les yeux et demande au Conseil sur la souveraineté d’organiser des États généraux. Ce qui aurait dû être organisé il y a longtemps le sera peut-être trop tard. Le caucus du parti prévu demain et jeudi sera déterminant. Épuisant de voir le PQ réagir seulement lorsqu’il a le couteau sous la gorge.
Qu’on se le dise, aussi : ces ÉGI, s’ils voient le jour, ne seront pas portés par la ferveur populaire. Lors des États généraux du Canada Français, tenus à la fin des années soixante, nous étions en pleine Révolution Tranquille, et tous les espoirs étaient permis. Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans l’ère de la Désillusion Tranquille. Faudra être convainquant, c’est le moins qu’on puisse dire. Néanmoins, je ne suis pas à cent-pour-cent pessimiste, dans le sens où si tout est réalisé dans la bonne foi et la transparence, il se pourrait que l’exercice soit bénéfique. Mais cela suffirait-il à relancer le mouvement? Peut-être pas, et le pire pourrait même survenir : une série de ruptures définitives exprimées sur la place publique.
Advienne que pourra.
Retraite stratégique ou défier le «mur»: voilà la question
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8 commentaires
Archives de Vigile Répondre
2 septembre 2011J'ai oublier de mentionner qu'à défaut de faire des états généraux, le PQ aurait du financer la création du forum électronique.
Archives de Vigile Répondre
2 septembre 2011Le fait qu'il a fallu autant 'brasser la cage' pour faire bouger les choses est symptomatique des problèmes de ce parti. Il me semble que le constat est simple à faire: l'opinion des souverainistes commencent à vraiment les intéressés qu'à coup de menaces.
Il me semble que lorsque les sondages sur l'option ont commencé à reculer ou que dès que les Montréalais ont commencer à les avertir du recul du Français à Montréal, que cela aurait du être suffisant pour les faire sortir de leurs léthargies. Ce parti s'est assis sur ces réalisations passés et a cessé d'être un générateur de progrès.
Claude Girard Répondre
31 août 2011Pauvre M. Gendron. Vous êtes-vous relu? Ce que vous proposez représente un défi titanesque. Comment va-t-on financer tout ça? En passant le chapeau dans les réunions? Et pour couvrir tous les sujets, on en a au moins pour deux ans. Sans compter le travail de réflexion préalable en supposant qu'on trouve les experts pour le faire.
C'est d'ailleurs là dessus que compte notre chère Pauline. On sera en élections en novembre prochain ou au plus tard au printemps. «A décidé de rester» et elle compte bien se présenter devant l'électorat avec son programme de gouvernance souverainiste. Tout cela sent l'opportunisme à plein nez.
Si madame Marois avait vraiment été sérieuse avec l'idée d'états généraux, elle aurait osé mettre sa gouvernance souverainiste et même le référendisme sur la table. Et ce, au lendemain du 2 mai. Je regrette mais je n'embarque pas. Tout cela ne fait pas très sérieux. Je le répète, à défaut de remplacer rapidement l'équipe actuelle au PQ, on ne peut que laisser l'électorat décider de son sort. Malheureusement, il n'est pas assuré que le parti de René Lévesque passe au travers, cette fois-ci.
Archives de Vigile Répondre
31 août 2011Bravo! Vous précisez que: "Des éléments qui sont essentiels à notre émancipation devront être discutés, comme par exemple...". Hélas, vous en conviendrez, il est grand temps de cesser de discuter, et pour cause! Délibérer sur le fondement de la Nation est nécessaire, puis ça presse, mais c'est seulement une Constitution qui va procurer au Peuple les moyens légitimes de s'offrir un Pays! Comment impliquer les citoyen(ne)s sans devoir se déplacer? Facile, offrons-nous une Nation en délibérant au http://www.eqqc.org/deliberations . Tout est là, et plus encore! On ne doit plus reculer, tous les partis existants nous font reculer.
Daniel Couture
EQUITAS QUÉBEC
www.eqqc.org
Archives de Vigile Répondre
31 août 2011@ Antoine Dubé
Vous avez commis un lapsus des plus délicieux en écrivant «baises» plutôt que «bases». Peut-être ne s'agit-il pas d'un lapsus après tout... Ça pourrait vouloir dire que nous devrions plutôt faire l'amour que de faire la guerre... Plus j'y pense, plus votre formulation me semble correcte!
@ monsieur Savoie
Je crois que nous nous rejoignons tout à fait, à la différence que je ne pense pas que les dés soient totalement pipés. Mais sur l'essentiel, nous sommes tout à fait d'accord : des ÉGIQ, pour s'avérer valables, devront être organisés en conséquence. Et oui, comme vous, j'estime qu'il faudra prendre le temps. L'exercice aurait dû s'accomplir bien avant: deux ou trois ans après le référendum de 1995, ou encore vers 2004. Il y a deux ou trois ans, cela aurait fait sens aussi. Mais actuellement, bien que je sois favorable à des ÉGIQ, force est de constater que les «conditions gagnantes», comme disait l'autre, ne sont pas réunies pour ce faire.
Et que dire des nouvelles qu'on peut actuellement lire concernant le caucus du PQ : il y a des députés qui réprouvent l'idée de tenir des ÉGIQ, prétextant que cela les empêcherait d'aborder les vraies affaires qui préoccupent les citoyens, i.e. l'éternel trio garderies-viaducs-urgences dans les hôpitaux. Basta! Comme si des ÉGIQ forceraient l'opposition officielle à délaisser les questions d'intendance!
Enfin, concernant les études dont vous faites mention, je crois que nous disposons suffisamment d'informations pour accomplir quelque chose de valable. Par exemple: concernant le mode de scrutin ou le contrôle collectifs des ressources naturelles non renouvelables, il existe déjà une documentation importante, qu'elle ait été réalisée ici ou ailleurs. Nous ne partirions pas de zéro.
Il va de soi que je suivrai le débat en cours sur la question des ÉGIQ. Je compte aussi sur votre implication à la fois critique et constructive.
Stéphane Sauvé Répondre
31 août 2011Dans le mille !
Je retiens ceci:
"Il y a la société civile et les mouvements citoyens qui devront être rejoints. Leur rôle sera primordial. Et je ne parle pas seulement d’organisations indépendantistes. Il faut faire dans la largeur, sans compromis. Syndicats, mouvements autochtones, intellectuels, décideurs et acteurs économiques, monde culturel, étudiants, et j’en passe, tous devront être représentés lors des États généraux, ces derniers ne pouvant se permettre d’être l’affaire d’une clique prétendument éclairée. Tous les réseaux devront être mis à contribution pour assurer une représentativité significative de la société québécoise. Gilbert Paquette, le président des Intellectuels pour la souveraineté, devrait être appelé à jouer un rôle central dans l’organisation de ces ÉGI."
Archives de Vigile Répondre
31 août 2011M. Gendron,
Il semble que les jeux soient faits et que les dés soient pipés d’avance. Cette démarche, jusqu’à maintenant, est contrôlée par le PQ. C’est inacceptable pour tous les autres partenaires ou organisations nationalistes existantes ou À VENIR. Nous décelons, de plus, une volonté de précipiter l’événement qui n’inspire que la méfiance.
Premièrement, comment tenir des EGIQ alors que presque la moitié des nationalistes ne sont pas encore organisés et regroupés dans un Parti capable de les représenter et de véhiculer leurs points-de-vu ?
Deuxièmement, des États Généraux pour être représentatifs et inscrits dans la modernité devraient être l’aboutissement d’une grande consultation de la société civile. Les thèmes retenus pour discussion en PLÉNIÈRE devrait avoir faits l’objet d’études de la part de spécialistes pour bien encrer les consensus sur des données objectives et scientifiques.
Troisièmement, comme vous le mentionnez, une organisation d’une telle ampleur même si elle s’appuie sur le bénévolat devra être financée. Il faudra donc mettre sur pied une organisation pour recueillir des fonds par des campagnes de financement. Je pense, entre autre, à une sollicitation spéciale et unique des membres de tous les Partis politiques de la chapelle nationaliste participants.
Pour toutes ces motifs, je rejette la manière dont des EGIQ sont amenés jusqu’à maintenant. Selon moi, une telle initiative dans les conditions actuelles est vouée à l’échec. Je suggère donc que nous prenions le temps de concrétiser le projet sur des prémisses solides et universelles.
Antoine Dubé Répondre
31 août 2011Voilà enfin une analyse constructive.
Votre questionnement est très juste. Il pourrait servir de baises importantes pour la construction du pays.