Jeanne Corriveau - Installer des compteurs d'eau à Montréal coûtera beaucoup plus cher qu'à Toronto. Le contrat octroyé à Génieau par la Ville de Montréal prévoit un montant de 106,8 millions de dollars pour les 32 000 compteurs dont seront dotés les industries, les commerces et les institutions de la métropole, alors que Toronto s'apprête à conclure un contrat d'environ 219 millions pour le remplacement et l'installation de 465 000 compteurs.
Afin de justifier les coûts liés au contrat des compteurs d'eau et de calmer la tempête soulevée par l'important contrat accordé à Génieau, la Ville de Montréal avait convoqué lundi une conférence de presse de dernière minute. Elle avait alors comparé les sommes dépensées par Toronto et par Montréal pour l'installation de compteurs d'eau sur leur territoire respectif.
Selon les informations présentées par la Ville de Montréal, Toronto prévoyait investir 219 millions pour l'installation de 72 000 compteurs, alors que Montréal allait consacrer 106,8 millions à 32 000 compteurs. Chaque compteur installé à Montréal allait donc coûter 3337 $, comparativement à 3041 $ à Toronto, avait conclu avec satisfaction Gilles Robillard, directeur adjoint du Service des transports, des infrastructures et de l'environnement.
Or, pour effectuer ses calculs, la Ville s'est basée sur des chiffres erronés publiés dans La Presse. Toronto consacrera effectivement un montant avoisinant les 219 millions pour l'installation et le remplacement des compteurs d'eau, sauf qu'il y aura non pas 72 000 de ces appareils, mais bien 465 000. C'est ce qu'a confirmé au Devoir hier une porte-parole de la Ville de Toronto. «Le contrat n'est pas encore signé officiellement, mais les négociations que nous menons avec Neptune Technology Group sont prometteuses», a indiqué Cheryl San Juan. C'est donc dire que l'installation de chaque compteur d'eau à Toronto coûtera environ 471 $.
Visiblement, la Ville n'avait pas vérifié les données liées au projet de la Ville de Toronto avant de s'aventurer à faire des comparaisons entre les deux contrats lors de sa conférence de presse tenue lundi. Et hier, il a été impossible d'obtenir les commentaires de Gilles Robillard à ce sujet.
Trois fois plus cher
Selon Jean-Claude Lauret, directeur général de la firme Master Meter Canada Inc., il est clair que la «Ville ne contrôle absolument pas ce dossier». M. Lauret connaît bien le marché des compteurs d'eau car son entreprise a procédé à l'installation de ces équipements dans plusieurs villes à travers le Canada. M. Lauret a également effectué une étude pour le compte de Pricewaterhouse en prévision de l'installation de compteurs d'eau dans les industries, commerces et institutions (ICI) à Montréal.
Pour comparer avec justesse les projets d'installation de compteurs d'eau à Toronto et à Montréal, il faut toutefois prendre en compte plusieurs éléments, précise M. Lauret. Le contrat conclu à Toronto comporte un grand nombre de compteurs destinés au secteur résidentiel, donc moins coûteux, ce qui n'est pas le cas à Montréal. Le contrat octroyé par Montréal prévoit toutefois un système antirefoulement d'égout dont les coûts doivent être ajoutés à la facture.
En tenant compte de ces différences, M. Lauret estime que les compteurs montréalais coûteront trois fois et demie plus cher que les compteurs torontois.
Rappelons que le contrat de 355 millions octroyé à Génieau, un consortium formé de Dessau et de Simard-Beaudry, comprend deux volets, soit l'installation de compteurs dans les ICI, pour 106,8 millions, et l'implantation d'un système de contrôle du réseau de distribution d'eau montréalais avec la construction des chambres de vannes, dont le coût s'élève à 210 millions.
Les critiques formulées par M. Lauret ne se limitent pas aux coûts liés aux compteurs d'eau, qu'il juge prohibitifs, mais également à ceux des chambres de vannes. «Il n'y a pas eu d'appel d'offres public pour aller chercher des fournisseurs de produits. Ça aurait dû être le rôle de la Ville de forcer Génieau [à le faire], explique-t-il. Il n'y a rien d'illégal dans ce que fait Génieau, mais la Ville aurait dû lui dire de faire un appel d'offres pour les compteurs d'eau et pour les chambres de vannes. Et là, il y aurait eu une vraie concurrence et des vrais prix.»
Vérificateur
Le contrat des compteurs d'eau fait l'objet de tellement de critiques que le maire Gérald Tremblay a annoncé, lundi, son intention de confier le dossier au vérificateur général de la Ville afin qu'il enquête sur le processus d'octroi du contrat.
La controverse est également alimentée par les liens d'amitié qu'entretiennent l'homme d'affaires Tony Accurso et Frank Zampino, ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal. La semaine dernière, ce dernier a reconnu avoir effectué, à deux reprises, un voyage sur le bateau de croisière de M. Accurso, propriétaire de Simard-Beaudry, l'entreprise qui forme le consortium Génieau avec la firme Dessau. Le premier voyage de M. Zampino a eu lieu en janvier 2007, soit quelques semaines après la qualification des soumissionnaires et avant que la Ville ne porte son choix sur Génieau pour le contrat des compteurs d'eau.
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