Réplique à Marc-François Bernier

Derrière les statistiques du Conseil de presse

Médias - information, concentration, reproduction



[Monsieur Marc-François Bernier->10457] se prononçait, le 24 novembre dernier dans Le Devoir, en faveur de la création d'un tribunal des médias et de l'information. Pour justifier sa position, il affirmait notamment que le Conseil de presse du Québec a «un préjugé favorable aux journalistes et aux entreprises de presse». Cette affirmation semble peut-être vraie du point de vue des chiffres, mais elle traduit très mal la réalité.

Si les chiffres tendent, en effet, à démontrer que la majorité des plaintes formulées au Conseil sont rejetées, peut-on en conclure que cela cache un «préjugé favorable aux journalistes et aux entreprises de presse»? Cela n'est nullement démontré. D'abord, au cours des cinq dernières années, le taux de rejet des plaintes a beaucoup fluctué: s'il s'élevait à 75 % en 2004-2005, il était en 2005-2006 de 44 %. Cette fluctuation montre plutôt que le Conseil n'a aucune idée préconçue, mais juge chaque plainte au mérite des arguments des parties en cause.
De plus, afin d'éviter une apparence de conflit d'intérêts de son tribunal d'honneur, le règlement du Conseil prévoit qu'il est paritaire en plus d'être tripartite. C'est-à-dire que ce comité est formé des trois piliers du Conseil soit le public, les journalistes et les entreprises de presse et que le public en compose la moitié des membres.
Finalement, l'analyse de M. Bernier ne prend pas en compte le rôle pédagogique du Conseil. Cette année, par exemple, nous avons reçu plus de 700 interpellations de toutes sortes qui se sont traduites par 98 plaintes formelles. D'où provient cette disparité entre interpellations et décisions? La réponse se trouve dans l'énorme effort d'explication réalisé par la permanence du Conseil. Cet aspect est trop souvent négligé dans la perception des observateurs.
Nous devons expliquer des choses simples, mais peu comprises telles que si les quotidiens publiaient toutes les lettres ouvertes qu'ils reçoivent, il n'y aurait simplement plus d'espace rédactionnel. Malgré nos explications, certains plaignants décident de poursuivre leur démarche de plainte. L'incompréhension des principes déontologiques et la volonté de se plaindre officiellement comme signal d'un mécontentement demeurent des facteurs qui génèrent des plaintes parfois non fondées, lesquelles risquent fort d'aboutir en une réponse favorable aux médias. En ce sens, les statistiques ne donnent qu'une image partielle de la réalité.
La fonction de tribunal d'honneur du Conseil est essentielle, mais elle ne surdétermine pas tout ce que nous faisons. Nous cherchons toujours les meilleures avenues possibles à la réalisation de notre mission. C'est dans cet esprit qu'afin d'éviter les incompréhensions et le processus de «défoulement» qui biaise les résultats statistiques, nous avons établi un processus d'entente préalable dans lequel nous demandons au plaignant de prendre contact avec le média concerné par sa plainte, afin de vérifier si le problème peut se régler par une franche explication. Une dizaine de cas furent résolus cette année grâce à ce nouvel espace de dialogue.
Il n'en demeure pas moins que l'intervention de M. Bernier soulève un débat pertinent sur l'élargissement significatif de l'univers juridique dans nos sociétés occidentales. On peut toutefois se demander s'il faut bâtir une lourde structure juridique pour «juger» le travail des journalistes et des médias ou plutôt tout simplement renforcer le Conseil pour favoriser une meilleure efficacité d'autoréglementation. Faudra-t-il un cadre juridique pour préserver... l'autoréglementation des médias?
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Raymond Corriveau, Président du Conseil de presse du Québec
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