Dérive afghane

L'Afghanistan a le privilège d'être le seul narco-Etat au monde soutenu par la communauté internationale

Afghanistan après 2011, un narco-régime



Six ans après la chute des talibans, malgré la présence de plus de 50 000 soldats étrangers et l'injection de plusieurs dizaines de milliards de dollars, l'Afghanistan dérive lentement vers le chaos et l'anarchie. Incapacité du gouvernement Karzaï à établir un minimum de loi et d'ordre, montée en puissance dans les régions pachtounes d'une insurrection toujours plus meurtrière, maintien du règne du fusil sur l'ensemble du territoire : tout pousse la population à perdre confiance dans les promesses mirobolantes de la communauté internationale.
Au sein de celle-ci, les divergences d'opinion sur la conduite à tenir sont de plus en plus apparentes. La réticence de plusieurs pays membres de l'OTAN à envoyer davantage de soldats ou à impliquer les forces déjà présentes dans les combats du Sud et de l'Est, bastions de la guérilla, s'explique par les doutes nés sur la mission en cours. Quand les troupes de l'OTAN ou de la coalition dirigée par les Etats-Unis tuent dans des bombardements aériens autant de civils que d'insurgés, selon des constatations des Nations unies et d'organisations humanitaires, la situation devient très sérieuse. L'augmentation du nombre de ces victimes accroît le ressentiment contre la présence étrangère, stigmatisée par une frange de la population comme la cause de son malheur. Et cela même si les Occidentaux soulignent que les talibans se cachent parmi la population, utilisée comme bouclier.
Plus grave, les forces de l'OTAN assistent, comme le veut leur mission, un gouvernement corrompu et incapable de fournir des services réguliers à la population. Les victoires militaires ont peu de signification si elles ne sont pas accompagnées par une amélioration de la vie quotidienne des Afghans. Pour la sixième année consécutive, ce pays va battre, selon les prévisions, son propre record mondial de production d'opium. Les insurgés, talibans ou autres, ne sont pas les seuls bénéficiaires de cette culture lucrative. Les grands trafiquants sont à rechercher au sein même de l'administration ou du gouvernement. L'Afghanistan a le privilège d'être le seul narco-Etat au monde soutenu par la communauté internationale.
Les progrès réels dans les domaines de la santé et de l'éducation sont aujourd'hui menacés par une insécurité qui ne se limite pas aux actions des talibans : les anciens seigneurs de la guerre, qui n'ont pas trouvé leur place au sein du nouveau pouvoir, profitent eux aussi largement de l'impunité totale qui règne dans le pays. Une remise à plat des priorités s'impose pour que l'Afghanistan puisse profiter pleinement de la manne internationale. Faute d'avancées tangibles, les pays donateurs risquent de finir par se lasser. Et le fiasco de virer à la tragédie.


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