Ruth Ellen Brosseau, l'élue-fantôme de Berthier-Maskinongé, s'est enfin manifestée en fin de semaine, grâce à un communiqué, à un message téléphonique et à une entrevue au Nouvelliste. Ces sorties publiques auront calmé le jeu de piste qui avait cours pour la trouver, mais ne changent pas le fond de la question: jusqu'où un député peut-il être couvé?
Dans le lot de reportages qui se sont intéressés à Ruth Ellen Brosseau, nouvelle députée néodémocrate rendue célèbre par son absence, ses lacunes en français et son attrait pour Las Vegas, il s'est glissé une phrase révélatrice: si on ne pouvait avoir accès à Mme Brosseau, c'est que le NPD cherchait à la protéger. C'est justement là l'essence du problème. Un député n'a pas à être protégé; c'est plutôt à lui qu'incombe le rôle de protecteur!
D'abord, envers les citoyens qui s'attendent à trouver en lui, ou elle, un porte-voix pour les problèmes de la circonscription, un guide dans les méandres de l'administration publique, un recours quand le citoyen se bute à l'État. Cette expertise se développera avec le temps, mais elle doit dès le départ s'incarner par un geste minimal: une présence! Mme Brosseau n'a jamais de sa vie mis le pied dans sa circonscription, ni avant ni depuis l'élection. Celle qui est là pour soutenir ses concitoyens se dit même encouragée d'avoir reçu des mots d'appui, sans mesurer à quel point ce renversement des rôles est incongru.
Un bon député est aussi un protecteur de valeurs: celles portées par son parti, celles aussi qu'implique notre démocratie. Il en partage la responsabilité avec son parti. On a beaucoup critiqué le jugement des électeurs qui, désireux d'appuyer «Jack», ont choisi ses candidats les yeux fermés. Mais depuis longtemps déjà, les campagnes électorales sont monopolisées par les chefs. Il s'ensuit logiquement que le vote recoupe un faisceau de motivations qui dépasse la personnalité des candidats, comme l'explique bien, en page Idées, une ex-candidate «poteau», et comme le démontrait samedi notre sondage postélectoral.
L'électeur a néanmoins des attentes: que les candidats, même s'il s'agit de «poteaux», fassent un semblant de campagne; qu'ils partagent les convictions de la bannière sous laquelle ils se présentent; et surtout qu'en cas de victoire, même surprise, ils soient aussitôt disposés à aller au front. C'est là le sceau de crédibilité qu'un parti appose au candidat qui le représente et qui fait que l'électeur donne son vote à des gens qu'il ne connaît pas.
Dans Berthier-Maskinongé, ce contrat tacite a été rompu. Le NPD y a présenté avec légèreté une candidate qui, en raison de sa langue et de son ignorance totale de la région, n'était pas adéquate pour la circonscription; à l'arrivée des sondages favorables, il n'a pas exigé qu'elle soit là pour terminer la campagne; dès le soir de l'élection, il l'a cachée plutôt que de l'obliger à affronter la situation, comme s'y sont pliés tous les autres néophytes. Et on constate maintenant que le NPD fera plus que l'encadrer, mais la tiendra longtemps par la main. Même médias et citoyens (les Québécois sont si gentils...) risquent de s'y mettre: pour la ménager, le journaliste du Nouvelliste n'a-t-il pas mené toute son entrevue en anglais?
Tant de paternalisme est gênant et peu démocratique. Berthier-Maskinongé ne peut être géré d'Ottawa, et les 98 % de francophones de la circonscription ont droit à ce que l'on s'adresse à eux dans leur langue. Que la nouvelle députée lâche les béquilles et nous montre enfin qu'elle peut marcher seule!
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé