Tom Wolfe, 86 ans, grand écrivain américain, est un des rares libres penseurs dans notre monde dominé par la rectitude politique.
Dans un entretien au Figaro, l’auteur du Bûcher des vanités et l’initiateur du « nouveau journalisme », aujourd’hui écrasé par Donald Trump et ses tweets, se penche sur certaines valeurs qu’il défend dans son essai, Le règne du langage, sur la théorie de l’évolution et sur le langage. Il y porte des jugements dérangeants sur notre époque.
Tom Wolfe dénonce l’hypocrisie de la gauche caviar américaine dans son soutien à la rectitude politique en matière de langage.
Rappelons l’attaque frontale contre les mots chez nous. Le mot « patrimoine » devrait disparaître, selon Québec solidaire. Et la présidente transgenre de la Fédération des femmes du Québec a déclaré devant une commission parlementaire à Québec, en mars 2015, qu’il fallait éradiquer des termes comme « mère » ou « maternité » puisque « des pères accouchent désormais ». Gabrielle Bouchard assure avoir été mal citée, mais à titre de preuve, je vous renvoie à son témoignage publié dans les archives officielles.
Langage
Tom Wolfe affirme, lui, que ce qui distingue l’être humain de l’animal, c’est le langage. La parole est l’unique façon pour les êtres humains de fantasmer la réalité. S’attaquer aux mots, pourrait-on ajouter, c’est vouloir détruire une partie de cette réalité afin de s’en emparer. Autrement dit, la rectitude politique appliquée au langage est l’équivalent d’une arme qui désintègre les acquis humanistes.
Tom Wolfe pose de plus un regard dérangeant sur la vague actuelle de dénonciations sexuelles. Il croit que celles-ci pourraient devenir la plus grande farce du XXIe siècle. L’homme appartient à une autre génération, certes, mais on ne peut qu’être d’accord avec lui lorsqu’il affirme que le terme d’agression sexuelle est malheureusement un fourre-tout confondant le viol et le flirt lourd, grossier et déplacé.
À ce propos, il est clair que nombre de citoyens commencent à éprouver un malaise indéfini. Car les dénonciations diverses et devenues permanentes finissent toutes par être confondues dans leur gravité. Et cela sans que des accusations soient portées devant les tribunaux.
Procès injuste
La diffusion instantanée de l’identité d’un harceleur prétendu le condamne sans autre procès. Or, ceux qui refusent d’admettre ce danger dans une société de droit semblent ignorer qu’ils pourront un jour subir pareil sort.
Certains semblent même croire que toute tentative de séduction porte en elle le risque qu’elle soit interprétée comme une agression. Et ce vieux Tom Wolfe, intellectuellement vert et fringant, mais foncièrement conservateur, nous rappelle également que la séduction n’est pas réservée aux hommes. Les femmes aiment, désirent et espèrent séduire, mais sans que cela soit à leurs risques et périls.
Or pour trop d’hommes, à l’évidence, une approche « virile » sert à imposer un contrôle et un pouvoir sur la femme. La liberté sexuelle n’est pas non plus l’exclusivité des hommes, faut-il le répéter. Et la volonté de séduire n’est ni déplacée ni illégitime. Comme la pulsion sexuelle, cependant, elle doit s’exprimer selon les règles de l’art d’aimer et non de la prédation animale.