À Montréal, bon an, mal an, environ 30 % des élèves inscrits à l'école secondaire optent pour le système privé d'éducation. Devant un tel phénomène, le secteur public se sent menacé; il estime que les écoles privées bénéficient d'avantages indus de la part de l'État québécois. Certains acteurs du système d'éducation vont jusqu'à exiger la fin pure et simple des subventions, qui représentent 60 % des droits de scolarité et qui seront d'environ 400 millions cette année.
Mais un arrêt du financement du secteur privé par l'État résulterait en une hausse globale des coûts du système d'éducation. En effet, pour l'État québécois, il en coûte environ la moitié du prix pour financer l'éducation d'un élève à l'école privée par rapport à la même éducation à l'école publique. Cela équivaut à une économie annuelle d'environ 350 millions. Or l'arrêt des subventions, selon le ministère de l'Éducation, entraînerait un transfert d'environ 70 % des élèves du privé vers le public, amenant une hausse importante des coûts de financement.
Il est à noter également que le système actuel permet aux commissions scolaires d'obtenir, par les taxes scolaires, un financement direct. Ce financement leur provient autant des parents utilisant leurs services que de ceux dont les enfants fréquentent l'école privée. L'institut Fraser appelle ce procédé «la double taxation»: des gens qui ne bénéficient pas d'un service se voient contraints de le payer en partie. Si ces parents, à cause de l'abolition des subventions, cessent d'envoyer leurs enfants au privé, le financement des commissions scolaires, obtenu par les taxes, restera le même, tandis que le nombre d'élèves augmentera exponentiellement.
Malgré ces faits, certains acteurs du secteur public estiment que ce coût économique est négligeable par rapport au coût social que représente le statu quo. Pierre St-Germain, président de l'Alliance des professeurs de Montréal, estimait il y a quelques années que le coût de l'opération est tout à fait acceptable si l'on tient compte du fait que 70 000 «bons élèves» seraient réintégrés dans le système public, palliant ainsi la concentration accrue d'élèves en difficulté. Nous estimons plutôt que ramener ces élèves au sein du système public favoriserait les risques de décrochages scolaires au sein de cette clientèle habituée à un enseignement et à un encadrement beaucoup plus rigoureux.
Démocratisation
Plusieurs estiment que les écoles privées sont des lieux d'éducation créés pour les privilégiés de notre société. Ils s'insurgent contre le fait qu'une telle institution soit en partie financée par les deniers publics, accroissant ainsi la division sociale des classes.
S'il est vrai que certaines écoles privées sont des lieux pour les privilégiés de notre société, il appert globalement que les élèves des écoles privées sont, pour la grande majorité, issus de la classe moyenne.
Les subventions aux écoles privées permettent justement d'atteindre un certain idéal démocratique en favorisant un meilleur accès aux enfants de la classe moyenne. Ce financement partiel permet à des gens issus de milieux divers d'avoir accès à cette éducation de qualité et à un meilleur encadrement, éducation qu'ils ne seraient autrement pas en mesure de se procurer.
La fin de ces contributions amènerait un transfert d'environ 70 % de la population étudiante, transformant ainsi les écoles privées en véritables ghettos de riches. Seuls les plus aisés de la société pourraient s'offrir ce type d'éducation. Le système actuel permet justement d'éviter une telle gentrification.
Développement social
Il est reconnu que l'école assure non seulement le développement de l'élève, mais aussi celui de son groupe social tout entier. L'école privée, autant que l'école publique, participe au développement de la société québécoise. Elle le fait certes en inculquant des notions scolaires fondamentales à ses élèves, mais elle tente aussi de remplir son rôle en transmettant un certain nombre de valeurs morales et sociales.
Il appert, depuis quelques années, que les écoles publiques rencontrent une difficulté récurrente à atteindre ces objectifs. On n'a qu'à penser au phénomène du taxage, au faible résultat généralisé aux examens du MELQ ou encore au taux élevé de décrochage scolaire au Québec.
L'école privée semble être beaucoup moins touchée par ces phénomènes. S'il est vrai que ces mêmes problèmes surgissent à l'occasion en ses murs, ils y ont néanmoins un aspect beaucoup moins marqué. Les établissements privés sont souvent reconnus pour mettre l'accent d'une façon particulière sur les résultats et sur la discipline, ce qui permet de pallier efficacement ce type de difficultés. De plus, par sa structure souple et légère qui ne connaît pas la rigidité des commissions scolaires, l'école privée est plus apte à s'adapter à l'évolution de notre société et à faire face à ses problèmes.
Plusieurs estiment que les problèmes comportementaux sont plus présents dans les écoles publiques pour la simple raison que ces écoles se trouvent dans l'obligation d'accepter tous les étudiants, tandis que les écoles privées refusent et renvoient systématiquement les élèves présentant des troubles de comportement. S'il est vrai que cette affirmation se vérifie dans certains cas, plusieurs établissements privés s'adressent justement à ces élèves et tentent de leur transmettre discipline et valeurs sociales.
Pour toutes ses raisons, il importe que le gouvernement québécois continue de subventionner les écoles privées québécoises.
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Jean-Emmanuel H. Beaubrun, Avocat et candidat au Juris Doctor, Queen's University
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