C'est en écoutant les nouvelles à Radio-Canada qu'une petite lumière s'est allumée. Le directeur général des élections du Québec avait mis ses culottes, nous disait-on en substance, en ne permettant pas aux femmes voilées de voter à l'élection partielle dans Charlevoix.
Ouf! Quel soulagement! À ce détail près qu'il n'y a aucune femme portant un niqab qui a le droit de vote dans cette circonscription. Il n'y a pas de burkas à Saint-Hilarion. Et c'est là que j'ai trouvé qu'on était en train de perdre les pédales.
Cela ne veut pas dire qu'il est normal et acceptable qu'une femme refuse de découvrir son visage pour s'identifier au moment de voter. Ce serait déraisonnable dans une société démocratique, une intrusion du religieux dans un espace éminemment public, celui d'une élection. Et c'est un cas où nous pouvons imposer nos façons de faire parce que ce débat touche deux aspects de l'activité humaine où une société industrialisée comme la nôtre peut sans gêne proclamer sa supériorité: les rapports hommes-femmes et les traditions démocratiques.
Mais après avoir dit que les femmes devraient voter à visage découvert, on peut noter que ce débat s'est déroulé dans un climat assez hystérique, qu'on a traité comme une affaire d'État de la plus haute gravité un problème réel, mais mineur. À notre connaissance, jamais une femme voilée n'a refusé de découvrir son visage pour voter. Et personne, même dans les milieux musulmans les plus intégristes, n'a réclamé un pareil droit. Le directeur des élections du Canada, en estimant que la loi fédérale n'interdisait pas le vote voilé, a émis une position de principe en réponse à une question hypothétique.
En général, un débat aussi théorique, qui n'a aucune espèce d'incidence concrète, aurait exigé de tous une minimale retenue. Ce n'est pas négociable, a proclamé le chef adéquiste Mario Dumont. Mais justement, personne ne veut négocier cela. Et un tel geste, s'il se produisait, ne menace pas l'intégrité du processus électoral, puisqu'une femme portant le niqab pourra s'identifier d'une autre façon. Il ne bafoue pas non plus de grandes et belles traditions, puisque l'obligation de s'identifier avec une carte d'identité est très récente.
Le seul véritable enjeu que ce débat soulève, c'est de savoir jusqu'où nous sommes prêts à faire des concessions pour satisfaire des pratiques et des coutumes, surtout religieuses. Et s'il a été si intense, c'est qu'il remue quelque chose de profond. Qu'il faut identifier, et qu'il faut comprendre.
Il y a d'abord, dans la réaction des Québécois, une grande colère contre les institutions qui n'ont pas fait leur job. Toutes les histoires d'accommodements raisonnables qui ont mal tourné ont suivi le même scénario; des organismes, surtout en santé et en éducation, on fait des concessions aux pratiques religieuses qui s'écartaient du bon sens. Des responsables n'ont pas osé dire non, n'ont pas été capables de tracer la ligne entre ce qui était acceptable et ce qui ne l'était pas. Cela a provoqué une crise de confiance qui a mené les gens, dans le fond, à vouloir prendre eux-mêmes les choses en main.
Il y a aussi un évident malaise face au voile intégral. Il est évident que c'est un symbole de l'oppression des femmes, une intrusion d'un monde féodal dans nos vies. Officiellement, les Québécois, tout en reconnaissant la liberté de choix dans la vie privée, ne veulent pas que le port du voile soit accepté dans la sphère publique.
Mais quand on creuse un peu, on verra sans doute que la présence de femmes portant le niqab dépasse la capacité d'accueil de la société québécoise, qui se demande en quoi ce type d'immigration qui refuse de s'intégrer peut être un enrichissement. Si des Canadiens meurent en Afghanistan, c'est beaucoup pour que ce voile ne soit pas imposé aux Afghanes.
Si on creuse encore, on verra que ce débat en cache un autre. Des réactions aussi vives sur un phénomène quand même rare expriment un malaise plus profond, inquiétant à plusieurs égards, face à une immigration trop différente, face aux pressions des autres religions et surtout, face à la mouvance islamiste. Souvent, la xénophobie s'exprime par une insistance démesurée sur comportements excessifs mais marginaux associés à l'immigration. Dans la dénonciation du vote voilé, il n'y a pas qu'une expression de solidarité envers des femmes opprimées.
Les politiciens, tous en campagne électorale, ont épousé avec beaucoup de précipitation les inquiétudes des citoyens, et ont contribué à amplifier la crise. Le leadership, c'est de ramener les choses à leur juste proportion, pas de se laisser emporter par la vague.
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