La plus folle des stratégies que j’ai lues depuis la démission de Catherine Fournier est très certainement celle présentée par le comédien et militant indépendantiste Denis Trudel. Il propose ni plus ni moins que le PQ se saborde et dise à ses quelque 80 000 membres d’entrer massivement à QS pour tenter d’imposer leur vision des choses.
Les plus vieux comme moi se rappellent sans doute le sabordage du RIN, au moment de la création du Parti québécois, en 1968. La mort dans l’âme, le fougueux Pierre Bourgault avait ordonné la dissolution de son parti en invitant ses membres à entrer, un par un, au PQ pour tenter de le gauchir un tant soit peu mais aussi et surtout pour faire avancer la cause indépendantiste. Bourgault voulait éviter une division du vote et il avait donc décidé de saborder le RIN, qui regroupait une bonne partie de la jeunesse radicale de l’époque. Un geste généreux et crève-cœur, qu’il allait regretter un peu plus tard. En effet, douze ans après avoir sabordé son parti, Bourgault se demandait s’il avait fait une bonne affaire, en voyant que le projet indépendantiste faisait du surplace.
Mais il ne faut pas oublier que Bourgault avait déjà rêvé de voir les députés René Lévesque et François Aquin, qui avaient tous deux démissionné du Parti libéral, joindre les rangs du RIN, en 1967. Il estimait que sa formation politique avait tous les atouts nécessaires pour promouvoir le projet indépendantiste et prendre éventuellement le pouvoir. Jean-Martin Aussant, autrefois chef d’Option nationale, avait demandé la même chose au PQ, en 2013, en invitant ce parti à se saborder et à venir joindre les rangs d’ON, qui comptait à l’époque à peine quelques milliers de membres.
Pourtant, n’entre pas qui veut à Québec solidaire. Ce parti est sectaire,c’est-à-dire qu’il a fait preuve jusqu’à maintenant d’un esprit étroit et d’intolérance. C’est un parti qui croit détenir la raison et le monopole de la vertu et des idées social-démocrates. En dehors de ce parti, point de salut, comme dans une église, surtout depuis que QS a effectué de réels progrès lors des dernières élections, en faisant élire 10 députés et en devenant maintenant la troisième opposition à l’Assemblée nationale, depuis la démission de Catherine Fournier.
QS n’aime pas les analyses concrètes de situations concrètes, il préfère tourner les coins ronds et ne s’embarrasse pas de subtilités. Ainsi, il n’hésite pas à qualifier le PQ de parti néolibéral au même titre que le PLQ. Trop payant d’agir ainsi en utilisant l’amalgame, trop facile de passer sous silence les mesures progressistes mises de l’avant par le PQ chaque fois qu’il a pris le pouvoir. Pourtant, l’appui de QS au NDP laisse songeur depuis que ce parti a banni le mot socialisme de son programme et qu’il a une position ambigüe sur les sables bitumineux de l’ouest canadien.
QS ne croit pas à la convergence de toutes les forces progressistes en vue de faire l’indépendance, il ne croit pas à la nécessité, par exemple, d’essayer de convaincre une partie des hommes et femmes d’affaires du Québec, ce que QS appelle « l’élite économique dominante du Québec », d’appuyer le mouvement indépendantiste, comme cela s’est fait avec Jacques Parizeau, en 1995, lors du référendum. Son orthodoxie est une preuve de plus de son étroitesse d’esprit.
Quant à sa position sur le voile islamique, elle est loin de faire l’unanimité parmi les forces progressistes, du moins celles qui refusent de voir l’islamisme radical comme faisant partie du nouveau courant altermondialiste en lutte contre toutes les formes d’oppression.
Moi, j’ai toujours vu le Parti québécois comme un front qui doit réunir ceux qui croient en la nécessité de l’indépendance. Qu’elles soient de gauche, de droite ou du centre, elles ont toutes leur place. C’est ainsi qu’ont agi d’autres fronts patriotiques, entre autres au Vietnam (pour chasser les Français puis les Américains) et en Chine (pour chasser les Japonais, entre autres). Tout le contraire d’une secte.