Très vite après l’élection de Jean Lesage, l’expression « Révolution tranquille » s’est répandue pour désigner les bouleversements qui secouaient la société québécoise. Lors du 3e Congrès des Affaires canadiennes tenu en novembre 1963, le politologue Guy Bourassa déclarait ainsi que « parler de révolution tranquille au Québec est devenu un slogan, presque une mode ».
Mais qui donc a utilisé pour la première fois cette locution ? Certains chercheurs renvoient à un article du Globe and Mail ou du Montreal Star dans lequel serait apparue pour la première fois l’expression anglaise. Cependant, personne n’est en mesure d’en donner la source exacte.
On ne s’est pas aperçu que, en fait, l’expression « quiet revolution » était d’usage courant en anglais dans les journaux nord-américains de l’époque.
Le terme était si familier que l’on parlait de « quiet revolution » pour évoquer des changements rapides dans des domaines aussi variés que les habitudes culinaires des ménages américains, les méthodes de soins pour les patients atteints de maladies mentales, l’intégration des étudiants noirs des États-Unis dans les anciens campus ségrégationnistes, la conversion de la planète en un village global, la fabrication du verre, les méthodes d’écoute électronique ou la transformation des clubs politiques qui acceptaient désormais de substituer aux beignets et au café des sandwichs et de la bière. La locution envahissait même la publicité.
Partout dans le monde
De manière encore plus révélatrice, de nombreuses tentatives de rénovation nationale de par le monde étaient qualifiées de « quiet revolution ».
Par exemple, en 1960, le Jerusalem Post s’intéressait à « Bourguiba’s Quiet Revolution », le président tunisien ayant choisi de rendre le jeûne du ramadan optionnel afin de ne pas nuire à l’industrie et au commerce. D’autres journaux décrivaient au même moment des « quiet revolutions » au Soudan, au Bhoutan, au Pakistan ou encore en Côte d’Ivoire.
Ce que ces textes avaient en commun, c’était de lier ces multiples révolutions tranquilles à une volonté de s’attaquer aux traditions ancestrales et de chercher à arracher les pays ou régions concernés à la misère et à l’ignorance.
On se réjouissait notamment que le Japon, réalisant sa propre « révolution tranquille », ait réussi à se sortir de son ancienne gangue médiévale afin d’embrasser un programme de réformes sociales. De même, le Programme de développement communautaire mis sur pied en Inde devait, disait-on, assurer le développement économique et social du pays en extirpant les vieilles méthodes d’agriculture et les superstitions religieuses.
Ce qu’il faut réaliser, c’est que la « quiet revolution » du Québec faisait écho à toute une série de tentatives de relèvement national de par le monde. Les réformes du gouvernement libéral provincial prenaient place dans un contexte de bouleversement planétaire. Les années soixante ont, en effet, correspondu un peu partout à une période de profonde remise en cause des anciennes manières de faire dans les sphères politiques, économiques et culturelles.
Originalité et normalité
Pourquoi donc, alors, avoir fait de l’expression « Révolution tranquille » une marque unique de la société québécoise ?
On peut croire que cela tient à l’ambivalence même du terme. En effet, il y a dans la pérennité de l’expression « Révolution tranquille » quelque chose de réconfortant, et pour les tenants de la normalité et pour les partisans de l’exceptionnalité du Québec.
D’une part, on peut avancer que, sans le reconnaître, les Québécois n’ont fait que récupérer pour eux-mêmes un concept qui était dans l’air du temps et qui servait déjà à qualifier toute une pléiade de plans de réforme en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
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