En guise d’introduction, nous emprunterons des constats formulés dans le journal Le Monde. Comparant l’insolence de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel à celle de son pendant britannique The Economist, Le Monde avance ces jours-ci que le Spiegel « se moque du monde, comme l’Allemagne se fiche de l’Europe […] ». Pire, « Le rêve allemand célébré sans pudeur par le Spiegel, c’est le cauchemar de l’Europe. » On ne saurait mieux dire. Reprenons de zéro. Dans la foulée de la crise de 2008, on a assisté à deux kidnappings démocratiques. En Grèce tout d’abord, en Italie ensuite. Dans un cas comme dans l’autre, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, soutenus, pour ne pas dire guidés, par les technocrates de Bruxelles, de la Banque centrale européenne (BCE) et du FMI ont imposé leurs choix à la tête des deux États. Plus précisément, ils ont parachuté des hommes qu’ils savaient voués à infliger les recettes de l’austérité tous azimuts malgré les avis contraires et multiples d’économistes des deux côtés de l’Atlantique. Dans la foulée (bis) de ces cures, on a observé une hausse si marquée du chômage que la conjugaison de celle-ci avec de nouvelles compressions dans les programmes d’assurance chômage a « produit » le nombre de pauvres le plus élevé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un phénomène qui a induit les dommages collatéraux suivants : une augmentation prononcée des suicides, de la prostitution et de la toxicomanie. Quoi d’autre ? Des mouvements migratoires sans précédent dans l’histoire de la construction européenne. Ces derniers sont à l’avantage, au grand avantage, de l’Allemagne, mais au désavantage des pays du Club Med si méprisés par la presse populaire allemande. Toujours est-il qu’en Italie, en Espagne, au Portugal et en Grèce on observe, impuissant, un exil des cerveaux. De jeunes diplômés en médecine, en informatique, en ingénierie et autres scientifiques. Des jeunes qui sont trilingues. Selon l’inventaire dressé par le Spiegel, le nombre de ces têtes pleines qui ont quitté l’Italie au cours des six premiers mois de l’année 2012 a été de 32 600. L’Espagne : 27 000 ; la Grèce : 26 400 ; le Portugal : 10 000. Selon Vassilis Tsianos, expert en flux migratoires à l’Université de Hambourg, la cohorte de migrants qui ont choisi l’Allemagne est certainement trois fois plus élevée, car, depuis le traité de Schengen sur la mobilité des personnes, il n’est plus obligatoire de s’enregistrer. Grâce à cet afflux, l’Allemagne voit les difficultés socio-économiques auxquelles elle était confrontée se réduire comme une peau de chagrin. Un, il y a réduction des problèmes inhérents à un vieillissement marqué de la population. Deux, des écueils liés au manque de main-d’oeuvre qualifiée. Trois, le nombre d’actifs cotisant aux caisses de retraite ayant augmenté, ces dernières se portent mieux aujourd’hui. Bref, pour l’Allemagne cette migration intra-européenne s’avère la divine surprise. Dans son commentaire paru dans Le Monde, Arnaud Leparmentier souligne : « Fallait-il signer ce traité de Maastricht (1992), qui tourne au désastre ? […] Curieusement, le sujet reste tabou. Dans les années 1990, on vendit la monnaie unique en assurant qu’elle permettrait de lutter contre les prétendues dévaluations compétitives des pays du Sud. Contresens total : la lecture inverse devrait prévaloir. » Comme aurait dû prévaloir de la part des politiciens allemands, des éditorialistes de The Economist et autres un respect, ne serait-ce que minimal, du vote des Italiens. Car dans l’attitude adoptée par les membres de ce club de la « bien-pensance », il y a un je-ne-sais-quoi qui revient à signifier que la vertu est exclusive à telle nation, l’idiotie à telle autre. Cela revient également à cacher que la monnaie unique a bénéficié à l’Allemagne plus qu’à tout autre pays, alors qu’elle a fait plus de tort à l’Italie qu’à tout autre pays.
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