La semaine dernière, comme je l’avais moi-même proposé, le Parti québécois a présenté une motion à l’Assemblée nationale qui demandait aux fédéraux de s’excuser pour la loi des mesures de guerre, tout en exigeant d’Ottawa de donner accès aux archives sur ce sujet. Dominique Anglade a refusé son accord au dépôt de cette motion. Elle en a présenté une de son cru le 6 octobre. Celle-ci est irrecevable pour plusieurs raisons.
Premièrement, la motion libérale ne fait plus porter le blâme exclusivement sur Ottawa. Montréal et Québec sont désormais pointés du doigt et devraient aussi s’excuser. La raison? Le premier ministre Robert Bourassa et le maire Jean Drapeau voulaient eux aussi la proclamation de la loi martiale. Ce raisonnement ne tient absolument pas la route.
Les fédéraux ont toujours pris leurs décisions comme ils le voulaient, suivant leurs intérêts, que le gouvernement du Québec ou celui d’une autre province soit d’accord ou non. Prenons un exemple récent, la décision d’imposer un oléoduc à la Colombie-Britannique contre la volonté de Victoria. L’Alberta souhaite que ce pipeline soit construit. Elle appuie la décision fédérale. Est-ce pour autant Edmonton qui a décidé et qui devrait être ici blâmé? Bien sûr que non. Le coupable, c’est Justin Trudeau. Lui seul pouvait prendre cette décision.
Just Watch Me
Le même raisonnement s’applique dans le cas de Trudeau père. La responsabilité de ce dernier est même encore plus flagrante. Le premier ministre de l’époque jouait au dur à cuir face aux indépendantistes. C’était sa marque de commerce. Tout le monde se souvient de son fameux «Just watch me» quand un journaliste lui avait demandé jusqu’où il était prêt à aller durant cette crise. Il comptait montrer, une fois de plus, de quel bois il se chauffait contre les séparatistes. C’est ce qu’il a fait avec la loi des mesures de guerre.
Considérant tout cela, pourquoi la cheffe libérale tient-elle autant à faire porter la responsabilité de la loi des mesures de guerre sur Québec et Montréal? La raison est politique. Elle ne veut pas faire le jeu des nationalistes. Pour y parvenir, elle entend sortir la question nationale de la crise d’Octobre et ramener le tout à une question strictement de droits et libertés. Pour elle, l’occupation militaire du Québec par les fédéraux et la rafle des indépendantistes n’auraient rien à voir avec le fait que le Québec constitue une nation au sein du Canada, réalité que la majorité canadienne-anglaise n’a jamais vraiment acceptée. En impliquant les autorités québécoises et montréalaises dans sa demande d’excuses, Mme Anglade évacue ainsi cette dimension fondamentale.
Sa manœuvre est encore plus grossière quand on sait que le Québec a versé des compensations financières à un certain nombre de gens arrêtés tandis qu’Ottawa s’y est toujours refusé. De même, les fédéraux refusent de rendre publics des documents d’archives sur la crise d’Octobre. J’ai moi-même fait des demandes d’accès à l’information pour en connaître davantage sur les opérations policières de la GRC, et cela m’a été refusé. Le fait qu’on nous cache toujours des choses 50 ans après les événements ne semble guère troubler Mme Anglade.
Le grand gagnant de tout cela est bien sûr Justin Trudeau. La manœuvre du PLQ contribue à diluer la responsabilité de son père. Elle ne peut que renforcer sa conviction de ne pas présenter d’excuses.
Les quelque 36 000 perquisitions et 497 arrestations de la crise d’Octobre constituent une injustice non seulement pour les personnes visées, mais aussi pour toute la nation. Au lieu de se tenir debout pour son peuple, une chose essentielle quand on veut devenir première ministre, Mme Anglade préfère aider les fédéraux contre le Québec.
– Frédéric Bastien est candidat à la direction du Parti québécois
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