Dire que les nationalistes québécois qui osent évoquer la colonisation britannique passent pour folkloriques. Démodés. Dépassés. Et pourtant, la Cour suprême vient de trancher : la loi britannique mène encore en ce Canada. Les francophones ? Pfft ! Qu’ils se soumettent au bon vouloir des anglos…
C'est un jugement juridiquement absurde, politiquement bête et socialement irresponsable qui a été rendu vendredi par une courte majorité (quatre contre trois) de juges de la Cour suprême dans une affaire opposant le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF) et la Fédération des parents francophones de la même province au gouvernement de celle-ci.
Depuis 2010, les francophones poursuivent le gouvernement afin de faire respecter leur droit de recevoir une éducation en français. En retour, le gouvernement n’a de cesse de multiplier les embûches juridiques pour bloquer cette cause. Un Cinar contre Robinson politique tant toute cette procédurite suinte la mauvaise foi.
L’une des ficelles tirées par la Colombie-Britannique semblait trop grosse pour être vraie : extirper une loi britannique d’il y a 300 ans pour obliger le CSF à traduire en anglais sa volumineuse documentation interne avant de la déposer au procès. À noter que tous les intervenants dans cette histoire, y compris le juge, comprennent le français… sauf le gouvernement (qui a à sa disposition des avocats bilingues, mais qui ne les a pas affectés à ce procès).
Les trois juges minoritaires ont bien compris qu’on était là dans de curieuses manoeuvres dilatoires dans un Canada dont la Charte des droits reconnaît les deux langues officielles et l’importance des minorités linguistiques, ce que la Cour suprême elle-même a maintes fois avalisé. Il y a, note-t-on, des limites à appliquer une loi de 1731 à des instances contemporaines. Sans oublier le coût de la traduction pour le CSF, et le temps à y mettre ; sans compter que c’est justement la protection du français qui est au coeur du litige !
Mais la majorité, menée par le juge québécois Richard Wagner, n’a que faire de la réalité. La lettre, anglaise, de la loi l’emporte sur le fond de la question, point. C’est que l’histoire est ici en jeu : la loi de 1731, qui, en Angleterre, assurait que les procès se dérouleraient en langue anglaise, a été transposée sur le sol de Colombie-Britannique en 1858, par la proclamation du gouverneur de cette époque pré-Confédération. Comme le veut la common law, les sujets britanniques « emportaient avec eux le droit anglais lorsqu’ils s’établissaient dans une colonie ». Ceci fut fait et est depuis resté en l’état, il faut donc vivre avec le résultat.
Car même devenue province, même dans un pays qui prétend trouver des mérites au bilinguisme, la Colombie-Britannique n’a jamais voulu changer ses manières de faire. C’est English only et pour tout, devant ses tribunaux. On nous cite même une cause provinciale impliquant un immigrant hongrois pour nous en convaincre ! Les juges en prennent acte, disent qu’ils n’y peuvent rien. Se retranchent derrière l’argument que le respect des compétences des provinces vaut bien la défense du français. Ils ne disent pas, bien sûr, que lorsque c’est le Québec qui défendait ses prérogatives, notamment linguistiques, la Cour suprême trouvait manière de lui rabaisser le caquet…
Conclusion : les francophones de là-bas auront des droits quand le politique daignera leur en donner. En attendant, qu’ils traduisent. Speak White n’est plus un poème, c’est maintenant une décision judiciaire. Un vrai chef-d’oeuvre de mépris.
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