(Québec) Jean Charest a accusé jeudi la chef péquiste Pauline Marois de faire du théâtre. Il n'est pas en reste. Il s'est lui-même livré à toute une mise en scène en congédiant en fin de journée l'embarrassant acteur Tony Tomassi. Son succès est cependant loin d'être assuré. Tant qu'il refusera de tenir une commission d'enquête sur le financement du Parti libéral, Jean Charest est condamné à jouer le mauvais rôle.
De nouvelles allégations visant le ministre de la Famille, Tony Tomassi, ont donné jeudi une autre période de questions houleuse à l'Assemblée nationale. Selon des informations publiées le matin dans La Presse, le patron de l'agence de sécurité BCIA, Luigi Coretti, se serait servi des cadres de son entreprise pour verser des milliers de dollars au PLQ et rendre service à son ami Tony Tomassi.
Questionné à ce sujet par Pauline Marois, dont le parti talonne et discrédite le ministre de la Famille depuis décembre, Jean Charest a de nouveau répété qu'il s'agissait d'allégations et que le Directeur général des élections faisait son travail. M. Charest estime que la chef de l'opposition abuse de son immunité parlementaire et qu'elle salit des réputations.
En fin d'après-midi, coup de théâtre. Le premier ministre convoque la presse et annonce le congédiement du ministre de la Famille et son exclusion du caucus. Il a été avisé en matinée que M. Tomassi avait utilisé une carte de crédit appartenant à BCIA à des fins personnelles lorsqu'il était député.
Que le hasard fait bien les choses! Au moment où le ministre de la Famille devient de plus en plus gênant pour son gouvernement et que le Directeur général des élections scrute la circonscription d'un quatrième ministre et les contributions de 20 représentants de quatre firmes de génie-conseil, un «fait troublant» concernant Tony Tomassi arrive aux oreilles du premier ministre et l'oblige à lui montrer la porte.
Ce scénario imprévu ne rassure pas sur l'éthique des élus libéraux. Il y a trop d'allégations de collusion, de corruption et de favoritisme soulevées depuis un an dans l'industrie de la construction, dans le milieu des garderies privées subventionnées, et sur le financement du Parti libéral, pour que les Québécois se contentent du sacrifice d'un ministre.
Devant les insinuations de Pauline Marois, le premier ministre s'est réjoui jeudi que la vérité ait encore ses droits. C'est justement la vérité que la population voudrait connaître et c'est pourquoi une commission d'enquête s'impose, notamment sur le financement du Parti libéral. Les principes et les sommes en jeu sont tout aussi importants que l'usage de la carte de crédit d'une entreprise privée par le député Tomassi qui trouble tant M. Charest.
Le chef libéral a rappelé à l'Assemblée nationale que le seul cas prouvé de financement illégal ces dernières années a été celui du Parti québécois relevé par la commission Moisan, en 2006.
Justement. Si un regard externe a permis de découvrir que le Parti québécois a reçu illégalement 96 400 $ de la firme Groupaction par l'entremise de ses employés entre 1995 et 2000, un exercice similaire devrait permettre en 2010 de faire la lumière sur le financement du Parti libéral sur lequel plane des doutes depuis des mois. Si, comme le clame M. Charest, son parti respecte les règles et se corrige si certains de ses membres exécutent des faux pas, il ne devrait pas craindre une commission d'enquête.
Bien sûr, il faut éviter de condamner sans preuve Tony Tomassi et les ministres Julie Boulet, Michelle Courchesne et Norman MacMillan. Le Directeur général des élections et la Sûreté du Québec doivent faire leur travail. C'est cependant le rôle d'un premier ministre de rassurer le public et de lui redonner confiance en ses élus. La mise en scène de jeudi n'a pas cet effet escompté.
bbreton@lesoleil.com
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