Au début des années 2000, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) entreprend de mettre de l’avant une réforme en profondeur. Devant certaines réticences provenant particulièrement du milieu de l’enseignement, les réformateurs brandissent la sempiternelle résistance au changement, tuant ainsi dans l’œuf toute possibilité de contestation. Dorénavant, prétendent ces réformateurs « visionnaires », l’apprenant, à savoir l'élève, sera le maître d’œuvre de sa formation, appuyé en cela par un professeur dont le rôle principal sera de « guider » l’élève vers les sources de la connaissance. En réalité, cette approche consacre sans vergogne le rôle d'animateur de l'enseignant.
Comme le disait le philosophe, écrivain, essayiste et polémiste, Alain Finkielkraut, dans son livre intitulé « L’ingratitude; conversation sur notre temps », publié en 1999 chez Québec Amérique, « Instruire, c’était introduire l’élève à ce qui le dépasse. On raisonne aujourd’hui comme si le moi avait assisté à la création du monde. Rien ne dépasse, chacun est sujet, c’est-à-dire roi. Et l’actuelle exigence de mettre l’élève au centre du système éducatif, comme si autrefois on y mettait des lampadaires ou des pots de fleurs, vise, en réalité, à remplacer l’obligation faite à l’élève d’écouter le professeur par l’ordre d’écouter les jeunes intimé aux « animateurs » du primaire et du secondaire ».
L'élève-roi
Il n'en fallait pas davantage pour qu'apparaisse ce que j'appelerais le phénomène de l'élève-roi découlant en droite ligne de l'enfant-roi à la maison qui, rappelons-le, vit dans un monde ouaté où les contrariétés ne font pas partie des relations parents-enfants de peur de créer des frustrations aux enfants-roi.
Dans un tel contexte, il n'est pas surprenant que les élèves-rois ont en horreur les contrariétés, tels un échec dans un examen, une remarque sur son comportement ou pire encore, un appel téléphonique de l'enseignant aux parents sur l'indiscipline de leur enfant en classe. Or, là où le bât blesse avec le plus d'acuité, c'est qu'il arrive souvent que les parents pennent la défense de leur enfant si bien que l'enseignant se retrouve dans une situation pour le moins inconfortable, voire déstabilisante.
Dans cette foulée, permettez-moi de vous relater un fait vécu qui s'est déroulé lorsque j'occupais le poste de directeur d'école. J'avais convoqué une mère et son fils à mon bureau car le jeune avait vendu de la drogue à des élèves, un comportement qui était sanctionné par un renvoi selon les règlements de l'école. Toutefois, j'étais prêt à garder le jeune à l'école pour autant que la mère m'apporte son soutien. Or, elle me répondit qu'elle préférait fumer un joint avec son fils le samedi soir plutôt que de le voir traîner dans les rues avec sa gang. Inutile de vous dire que je n'avais pas d'autre choix que de renvoyer son fils de l'école.
Le maître
À chaque fois que l’école ouvre ses portes le matin, son but premier consiste à communiquer, via son corps professoral, des connaissances à des élèves qui se présentent à l’école d’abord et avant tout pour apprendre. Conséquemment, il est plus que temps que les enseignants reprennent leurs lettres de noblesse en revendiquant leur place comme premier responsable de l’acte pédagogique envers les « apprenants ». Pour ce faire, l’équipe-école doit s’atteler à déconstruire cette utopie de l’élève-roi autour duquel gravite toute la démarche pédagogique.
Dans l’esprit d’une vieille expression qui m’apparaît, surtout aujourd’hui, encore d’actualité, l’enseignant est le « maître » dans sa classe et, en ce sens, il dirige le déroulement de ses cours dans un climat et une approche pédagogique qu’il juge propices à l’apprentissage.
Henri Marineau, enseignant et directeur au secondaire à la retraite
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