Jean-Paul Gravel - Économiste - La commission Bastarache a déposé son rapport. Sauf des coquilles à corriger dans le processus de nomination des juges, la société peut respirer à l'aise: tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Il y a deux façons de lire le rapport Bastarache: celle choisie par l'établissement en place (le système) et celle qui se dégage du spectacle populaire qu'a constitué la Commission.
La première lecture repose sur des valeurs sûres, elle est celle des experts de la preuve. Elle est technique et se trouve entièrement entre les mains des spécialistes de l'appareil juridique. Dans ce système, il suffit d'un doute raisonnable, en faveur de l'accusé, pour exonérer ce dernier.
L'accusé, en l'occurrence, n'était pas Marc Bellemare, c'était le système actuellement en place. Ce système est composé de groupes d'intérêts puissants: appareil étatique (fonction publique), organismes professionnels (Barreau, etc.), partis politiques. Ces groupes ont présenté un front commun solide.
Le système devait se défendre, et il s'est bien défendu. Les cartons de Marc Bellemare, l'agenda de Marc Bellemare, les notes post-it de son sous-ministre, ne sont pas assez lourds pour constituer une preuve irréfutable aux yeux des «spécialistes de la preuve». Traduit en langage journalistique, cela devient «Marc Bellemare est déculotté» (Le Soleil, 19 janvier 2011). L'affaire est entendue, le système peut retourner aux activités qui l'ont si bien servi par le passé.
Une autre lecture?
Mais est-ce la seule lecture possible de la Commission? N'y aurait-il pas une autre lecture? Une lecture relevant non pas des «spécialistes de la preuve», mais des spécialistes de l'analyse socio-politique? Cette analyse reste à faire, elle est inexistante.
Que seraient ou pourraient être les conclusions d'une telle lecture? Une lecture sociopolitique s'attarderait plus à l'ensemble des comportements et des échanges qui ont eu lieu lors des audiences en prenant aussi en compte les documents déposés.
Cette lecture montrerait «à l'évidence» l'intervention des groupes d'intérêts et de pression et les avantages qu'ils retirent du présent état des choses. La Commission elle-même reconnaît que ce système est ouvert aux pressions. Cette simple admission devrait être suffisante pour mettre en cause le système et s'attacher à en corriger les abus «potentiels».
Examen approfondi
Selon la Commission, il n'y aurait pas de fautes légalement justiciables, seulement un climat propice! C'est essentiellement ce climat que Marc Bellemare a dénoncé. L'avantage d'un climat est de ne pas être saisissable. Comme c'est le cas pour le réchauffement de la planète. Les intérêts en jeu sont trop puissants. Ce sont ces intérêts qui, dans le cas de la Commission, auraient mérité l'examen le plus approfondi. C'est ce que la Commission n'avait pas mandat de faire et qu'elle n'a pas fait.
Ce que la Commission a démontré est que, dans l'état actuel des choses, Goliath se porte bien. Le message envoyé à tous les David est clair: s'ils se dressent devant le système, ils seront, eux aussi, déculottés.
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Jean-Paul Gravel - Économiste
Commission Bastarache : Goliath 1 - David 0
Il y a deux façons de lire le rapport Bastarache: celle choisie par l'établissement en place (le système) et celle qui se dégage du spectacle populaire qu'a constitué la Commission.
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