Facebook France s'est organisé pour filtrer les informations mensongères partagées par ses utilisateurs. Le géant des réseaux sociaux rémunère le personnel de diverses rédactions, dont celles du quotidien Le Monde.
Le sujet des fake news est actuellement sur toutes les lèvres, en particulier depuis que le président Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté de les traquer grâce à une nouvelle loi. En revanche, on évoque moins les méthodes que déploie Facebook, leur principal diffuseur, pour contrôler la validité de ces informations. En France, huit médias «partenaires» sont chargés par le géant d'internet, depuis février 2017, de les passer en revue et d'épingler celles d'entre elles qui se révéleraient fausses : Le Monde, l’Agence France-Presse (AFP), BFMTV, France Télévisions, France Médias Monde, L’Express, Libération et 20 Minutes.
Le Canard Enchaîné, dans son édition du 4 janvier, insiste particulièrement sur les rapports entre Facebook et le journal Le Monde. Le 2 février dernier, le quotidien avait annoncé dans ses pages avoir rejoint l’initiative de contrôle des fake news mis en place par le réseau social, après quelques hésitations. «Le modèle proposé par le réseau social ne revient-il pas à faire à sa place le travail de chasse aux fake news ? L’accepter, n’est-ce pas permettre à un Facebook sous pression de montrer patte blanche et faciliter sa communication ?», était-il écrit dans l'article du palmipède. Le quotidien a vite tranché, justifiant : «Le pragmatisme l’a emporté.»
En guise de pragmatisme, l’hebdomadaire satirique rappelle que Julien Codorniou, le vice-président de Facebook chargé des partenariats, est aussi membre du conseil de surveillance... du Monde.L’hebdomadaire satirique révèle par ailleurs que les journalistes du journal du soir, au départ bénévoles, seraient désormais les prestataires de Facebook. Car, après la phase d’expérimentation durant laquelle le concours des médias pour traquer les fake-news était gratuit, le réseau social aurait proposé de payer. «Ils sont revenus vers nous en disant qu’ils allaient rémunérer notre travail», a confié au Canard Enchaîné un journaliste de l’Express. Un fait également confirmé dans un tweet par l'équipe anti fake news de Libération, LibéDésintox.
S'il est légitime de rémunérer une tâche, ces émoluments renforcent de fait la collusion entre Facebook et ces médias. En outre, certains d'entre eux, comme LCI ou Le Figaro, sont grassement rémunérés par le géant américain pour diffuser des Facebook lives et des vidéos. Ces médias peuvent-ils garder leur indépendance vis-à-vis du réseau social qui les finance ? Et ne sont-ils pas susceptibles d’être traités avec complaisance par leur partenaire s'ils étaient eux-mêmes auteurs d'informations mensongères ?
Cette question reste entière au moment ou le réseau social, fort de ses plus de deux milliards d'inscrits sur la planète, ne parvient pas à assurer une gestion et une neutralisation efficace des fausses informations. Un véritable malaise qui a conduit Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, à en référer dans ses vœux publiés traditionnellement sur sa page chaque année. «Mon défi personnel pour 2018 est de me concentrer sur la résolution de ces questions importantes. Nous n'empêcherons pas toutes les erreurs et tous les détournements de Facebook, mais nous faisons à l'heure actuelle trop d'erreurs pour ce qui est de faire respecter nos règles d'utilisation et d'empêcher les mauvais usages de nos outils», a-t-il écrit.