François Legault, qui a procédé hier au lancement de la Coalition pour l'avenir du Québec, entend faire de l'éducation une priorité.
PHOTO: JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE
«Remettre le Québec en mouvement», tel est le leitmotiv de la Coalition pour l'avenir du Québec, officiellement lancée hier par François Legault. Ce thème central chatouillera la susceptibilité de ceux qui pensent que le Québec n'est pas immobile ou enlisé. Et il dérangera ceux qui craignent le changement.
La coalition arrivera-t-elle à attirer assez de partisans pour se transformer en parti politique, puis pour obtenir la faveur des électeurs? Son parcours ne sera pas de tout repos.
La coalition fait de l'éducation sa priorité. C'est une excellente nouvelle. Voilà longtemps qu'un mouvement (ou un parti) politique ne nous a pas dit: l'avenir du Québec passe par la rénovation du système d'éducation.
Le manifeste suggère de «redonner la priorité à l'acquisition de connaissances», de mettre l'accent sur les habiletés fondamentales comme «lire, écrire, compter», et ne plus craindre d'insister sur «l'effort, la persévérance et le respect». Voilà des mots rafraîchissants dont le système avait bien besoin, et qu'on n'avait pas entendus depuis longtemps.
La coalition désire aussi «rehausser la qualité de l'éducation» et revaloriser la profession d'enseignant, notamment en augmentant les salaires, «particulièrement dans les milieux difficiles». Les syndicats accepteront évidemment les hausses salariales, mais dénonceront du même souffle toute hausse de tarifs pour les financer. La rémunération à géométrie variable qu'elle semble proposer se heurtera aux «progressistes» de la CSN et de la Fédération des syndicats de l'enseignement, ainsi qu'aux babouvistes du Québec, qui ne jurent que par l'égalité. Et il n'est pas certain que les clients d'Hydro-Québec avaleront la couleuvre sans regimber.
Elle parle enfin de «mettre fin au sous-financement des universités québécoises (...) par un apport de fonds supplémentaire, réparti de manière équitable entre l'État et les étudiants». Beaucoup de manifestations estudiantines en perspective!
La coalition souhaite également augmenter l'autonomie des directeurs d'école et des enseignants, ce qui se traduirait par une réduction souhaitable des pouvoirs du ministère de l'Éducation. Par contre, il est douteux que les directions d'école et les enseignants acceptent d'être imputables de tous les problèmes du système et notamment de la réussite, ce qui tendrait à déresponsabiliser les élèves et les parents. L'évaluation des enseignants ne constituerait pas un problème insurmontable, quoique la question de la sécurité d'emploi soit un écueil redoutable.
Le désir de la coalition de décentraliser le réseau de la santé se heurtera au scepticisme des Québécois, qui ont vu plusieurs ministres et réformateurs s'épuiser en vaines tentatives. Il suscitera aussi la résistance des syndicats, qui ont fait du caractère public du réseau un dogme et ne désirent certainement pas qu'on y introduise une saine concurrence entre les établissements, à leurs yeux une véritable hérésie. Quant aux médecins, avec lesquels M. Legault souhaite conclure un nouveau pacte, leur pouvoir de résistance et de nuisance est énorme.
La coalition s'attaque avec raison à la dette publique. La preuve que le Québec se dirige vers des lendemains douloureux, à la grecque ou à l'irlandaise, s'il n'agit pas maintenant, n'est plus à faire. Mais si une majorité est consciente du problème, peu nombreux sont ceux qui sont disposés à renoncer à leurs «droits».
Enfin, M. Legault propose une trêve constitutionnelle entre fédéralistes et souverainistes. Les premiers devraient y consentir assez aisément, puisqu'un moratoire sur la souveraineté ne saurait leur déplaire. Plusieurs hésiteront toutefois à s'impliquer personnellement. Du côté des souverainistes, c'est une autre paire de manches: les indépendantistes purs et durs (environ 20% de la population) travailleront sans relâche à couler son embarcation et n'hésiteront aucunement à le diaboliser devant l'opinion publique. Son pari nationaliste, assis sur la défense du français, paraît toutefois viable, puisqu'une majorité de Québécois sont nationalistes avant d'être souverainistes ou fédéralistes.
La coalition réussira-t-elle à traduire en mesures concrètes ces grandes orientations et à relancer le Québec sur la voie de la prospérité? Chose sûre, François Legault et ses partisans (j'allais écrire ses apôtres vu leur petit nombre pour le moment!) devront faire preuve de beaucoup de résilience et de persuasion s'ils veulent que leur mouvement devienne un véritable facteur de changement.
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Marc Simard
L'auteur est professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau, à Québec.
Coalition de François Legault: du pain sur la planche
CAQ - Coalition pour l’avenir du Québec
Marc Simard19 articles
L'auteur enseigne l'histoire au Collège François-Xavier-Garneau.
Auteur de "Les éteignoirs - Essai sur le nonisme et l'anticapitalisme au Québec", publié aux Éditions Voix Parallèles
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