Avec l'arrivée de Donald Trump à la présidence amécaine, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) est en voie d'être renégocié, voire d'être invalidé. Retour en cinq temps sur cet accord qui fête ses 23 ans ce mois-ci.
1. L’origine de l’ALENA
L’ALENA est un traité commercial entré en vigueur en janvier 1994 et qui réunit le Canada, les États-Unis et le Mexique dans une grande zone de libre-échange. Le traité a été signé en décembre 1992 par le président américain George H. W. Bush, le premier ministre du Canada Brian Mulroney et leur homologue mexicain, Carlos Salinas. Il a été renégocié en 1993 à la suite de l'entrée en fonction du président Bill Clinton, puis ratifié par les Parlements des trois partenaires.
L’ALENA remplace l'Accord de libre-échange (ALE), ratifié en 1988 et qui ne concernait que les États-Unis et le Canada. D’ailleurs, si un pays membre de l’ALENA s’en retirait, les accords commerciaux redeviendraient alors soumis à l’ALE pour le Canada et les États-Unis.
2. Un accord strictement de libre-échange
L’ALENA, qui vise uniquement la circulation des biens et des services en franchise des droits de douane pour les pays membres, est strictement un accord de libre-échange. Pas question d’union douanière ou de marché commun, comme pour l’Union européenne.
Avant l’ALE et l’ALENA, les États-Unis imposaient en moyenne de 4,3 % à 5,1 % de tarifs douaniers sur les importations canadiennes et mexicaines. Le Canada imposait pour sa part un tarif moyen de 9,7 % sur les importations américaines et mexicaines. Ces tarifs ont été éliminés avec l'ALENA, avec l'exception du bois d'oeuvre, source d'un long conflit entre le Canada et les États-Unis. Depuis des décennies, les producteurs canadiens de bois d’œuvre sont visés par des tarifs douaniers imposés par le gouvernement américain.
3. Un accord qui fait augmenter les échanges
L’accord a, selon nombre d’analystes, rempli la plupart de ses promesses. L’ALENA a ainsi permis au Mexique, aux États-Unis et au Canada de faire bondir leur produit intérieur brut (PIB) et de quadrupler le flux de leurs échanges commerciaux pour atteindre 1100 milliards de dollars par année.
Entre les États-Unis et le Canada notamment, les échanges commerciaux ont triplé depuis l’entrée en vigueur de l’accord. Le commerce de marchandises entre les deux pays a plus que doublé de 1993 à 2015.
L’ALENA a en outre contribué à relancer l’économie du Mexique, devenu un eldorado pour le secteur de l’automobile. Des milliers d’usines axées sur l’exportation - les maquiladoras - ont été construites sur la frontière mexicaine. La plupart appartiennent à des entreprises américaines, attirées par les bas salaires. Ces délocalisations ne plaisent guère à la nouvelle administration Trump, qui a évoqué une taxe d’importation de 35 % sur les produits mexicains.
4. Un contexte changeant et la concurrence asiatique
Certains reprochent néanmoins à l’ALENA d’avoir mal vieilli et de moins bien s’adapter au nouveau contexte économique. Les événements du 11 septembre 2001 et les renforcements sécuritaires amènent certains analystes à parler plus de « désintégration » que d’intégration économique.
Par ailleurs, la montée de la Chine a changé la donne. Membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 2001, la Chine est devenue le principal partenaire commercial des États-Unis, profitant de l’ouverture des marchés pour prendre la place de compagnies canadiennes chez notre voisin.
« La Chine est le principal État-parti que l’ALENA ait jamais eu », affirme le professeur Gilbert Gagné, de l’Université Bishop’s, à Sherbrooke.
La montée de la Chine a ainsi « compliqué la situation économique et l’évolution de l’intégration nord-américaine ». « Les trois pays de l’ALENA sont devenus de moins en moins interdépendants [....] La raison pour laquelle [les États-Unis] avaient des problèmes de compétitivité dans le secteur manufacturier, c’est plus en raison de la concurrence chinoise que de celle du Mexique », ajoute-t-il.
5. Un accord controversé
L’accord n’a jamais fait l’unanimité, et ce, dès son entrée en vigueur. Encore aujourd’hui, les délocalisations d'usines vers le Mexique et la mise à l’écart des petits producteurs agricoles mexicains en raison des exportations américaines de maïs subventionné suscitent des inquiétudes de part et d'autre des frontières. Selon un sondage récent, 50 % des Américains sont en faveur d’une réouverture de l’ALENA.
C’est dans ce contexte que le président Donald Trump, qui reproche à l’accord ne pas profiter aux États-Unis, menace de s’en retirer en cas d’échec des négociations. M. Trump est particulièrement préoccupé par l’ampleur du déficit annuel de la balance commerciale avec le Mexique, qui est d'environ 60 milliards de dollars américains.
Le Canada et le Mexique se sont aujourd’hui résignés à se rendre à la table de négociation. Stephen Schwarzman, un des conseillers du président américain, s’est récemment fait rassurant, arguant que les relations commerciales canado-américaines étaient plus « équilibrées » et, donc, que le Canada était mieux positionné pour discuter avec les États-Unis.
Plusieurs craignent néanmoins les dommages collatéraux que cette renégociation pourrait causer au Canada. Louis Bélanger, professeur de science politique à l’Université Laval, est peu optimiste de voir le Canada retirer quelconque avantage des négociations. « Ce qui est demandé, ce sont des concessions qui semblent énormes », dit-il.
Entre autres, la nouvelle administration a évoqué la possibilité de revoir les règles d’origine des produits, qui permettent à des produits et services de franchir sans droits de douane les frontières entre les trois pays. « Une pure folie » qui vient « complètement dénaturer l’entente », estime M. Bélanger.
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