Jean-François Lisée a désavoué, mercredi, le défunt projet de charte des valeurs de son collègue Bernard Drainville.
Six mois après la défaite du gouvernement minoritaire de Pauline Marois et le naufrage de la charte, le candidat pressenti à la direction du Parti québécois prétend qu’il avait des objections majeures à l’endroit du projet de loi 60, tel que conçu.
Le député de Rosemont a déclaré qu’à défaut d’un assouplissement dans les dispositions de la charte, il n’aurait pas hésité à quitter ses fonctions de ministre en guise de protestation.
«Je trouvais que la charte était une très grande avancée dans la marche vers une plus grande laïcité de l’État, mais j’étais favorable à une application très graduelle», a expliqué M. Lisée lors d’une mêlée de presse.
«Je considérais qu’il n’était pas acceptable humainement que des employés qui avaient travaillé pour l’État pendant plusieurs années soient menacés de congédiement ou de sanctions parce qu’on avait décidé de changer les règles en cours de route. [...] Il me semblait impossible d’appuyer une partie de la législation qui allait soumettre des gens à des pressions et à un stress terrible», a-t-il précisé.
M. Lisée affirme qu’il préconisait l’inclusion d’une clause de droits acquis qui aurait épargné les travailleurs déjà en poste. Seuls les nouveaux employés auraient été soumis aux exigences strictes de laïcité édictées par la charte.
«J’avais bon espoir qu’à la fin on réussirait à faire primer cette idée des droits acquis mais j’étais prêt à démissionner là-dessus parce que c’est impossible pour moi, humainement, de voter pour cette disposition», a soutenu l’auteur prolifique qui lancera un nouvel ouvrage abordant cette question dans quelques semaines.
M. Lisée a relaté que, pendant le débat sur la charte, il ne pouvait tout simplement pas se faire à l’idée que des gens risquaient de perdre leur travail.
«Je me mettais dans la peau de cette infirmière qui travaille depuis dix ans et qui se fait dire d’enlever son voile. Son imam, sa famille, lui disaient de le garder alors qu’à l’hôpital, on lui disait de l’enlever. Moi, je ne veux pas imposer de stress à 1000 personnes, 100 personnes, à une seule personne. Je suis humaniste», a-t-il insisté.
L’ancien ministre responsable de la région de Montréal semblait pourtant à l’aise lorsqu’il défendait publiquement le projet de charte aux côtés de M. Drainville, ministre responsable du projet de loi.
En outre, à l’automne 2013, il cosignait une lettre dans le New York Times avec M. Drainville dans laquelle il faisait l’apologie de la charte, en la comparant au concept du «mur entre l’État et la religion», attribué à l’ancien président américain Thomas Jefferson.
Il écrivait que «le fait de demander aux employés de la fonction publique de ne pas porter de signes ostentatoires pendant qu’ils sont au travail» constituait «la suite logique» du processus de laïcisation en cours au Québec depuis les années 1960.
Mais l’aspirant éventuel à la succession de Pauline Marois fait remarquer que ce passage ne contredit en rien la position qu’il exprime aujourd’hui.
«Tout le bien que je pensais de la charte, je l’ai dit pendant qu’on débattait de la charte. L’aspect de la charte qui allait virer des gens, jamais je ne l’ai défendu publiquement. Au contraire, j’envoyais des signaux en disant: faut travailler sur la transition, faut être flexible sur les moyens. [...] Comme membre du gouvernement, c’est le maximum que je pouvais faire», a-t-il justifié.
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