Changements climatiques - Le Canada à Varsovie

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Crédibilité zéro du second violon américain

La planète entière est réunie à Varsovie pour parler changements climatiques. Plus de 10 000 personnes venues de 193 pays cherchent à jeter les bases d’un nouvel accord global sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre à être signé en 2015. Le Canada y est… comme second violon américain.
Pour savoir quel rôle jouera le Canada à cette conférence qui se termine vendredi, il faut pouvoir traduire le langage codé employé par la ministre de l’Environnement, Leona Aglukkaq, dans le communiqué publié au moment de son départ pour Varsovie. Elle nous y dit que le Canada agira comme un chef de file dans l’effort international de lutte contre les changements climatiques. Un chef de file ? Vraiment ? Mais dans quel sens ?

Chef de file, on peut, quand on y pense bien, reconnaître ce titre au Canada depuis qu’il est gouverné par Stephen Harper. Oui, chef de file des empêcheurs de danser en rond ! Il a tout fait ces dernières années pour repousser l’adoption de nouvelles cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’après-Kyoto. Ainsi, il a refusé, lors de la conférence de Durban de décembre 2011, de se lier à tout effort additionnel pour l’avenir, se dépêchant, sitôt celle-ci terminée, de renier les engagements de réduction des émissions de GES pris par les gouvernements Chrétien et Martin dans le cadre de l’accord de Kyoto.

L’objectif que poursuivra la ministre Aglukkaq à Varsovie est apparemment noble. « Le Canada s’est engagé, nous dit-elle, à établir un accord juste et efficace sur les changements climatiques, qui comprend les engagements de tous les grands émetteurs. » Encore faut-il comprendre ce qui se cache sous ses mots. Ce qu’elle dit, c’est que le Canada n’entrera dans aucun nouvel accord qui ne comprendra pas les pays émergents, tout particulièrement la Chine, qui détient maintenant le championnat des émissions de CO2 avec une part de 29 %, contre 16 % pour les États-Unis et 11 % pour l’Europe.

La position canadienne est calquée sur celle des États-Unis, qui n’ont jamais adhéré à Kyoto parce que cet accord imposait un traitement différencié selon l’état de l’économie des pays en développement et des pays émergents pour leur permettre un rattrapage. Les Américains y voient depuis le début un avantage concurrentiel qui n’est pas justifié. Le gouvernement Harper partage maintenant ce point de vue, estimant que la luette contre les changements climatiques ne vaut que si elle apporte des bénéfices économiques immédiats.

L’un des grands enjeux de la conférence de Varsovie et des négociations qui suivront sera d’amener la Chine et les autres pays émergents à s’engager avec des cibles de réduction qui tiennent compte de la capacité de leurs économies à s’adapter, cela, sans que leur effort ait un effet disruptif sur l’économie mondiale. Il ne faut pas que la Chine, qui carbure au charbon à l’excès, annihile les efforts de réduction des émissions de CO2 par les pays occidentaux. Le charbon, soulignons-le, est la source d’énergie à la fois la plus polluante et la plus utilisée dans le monde, et souvent la moins chère. On ne peut imaginer qu’un accord global pour ramener à zéro les émissions de GES d’ici 2050 soit possible sans la contribution de la Chine, de l’Inde et de l’ensemble des pays émergents. Cet accord global exigera des compromis et devra reconnaître que tous les pays ne pourront avancer au même rythme.

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Le Canada ne peut, dans l’état des politiques poursuivies par le gouvernement Harper, jouer un rôle quelconque dans la recherche des compromis qui permettront de faire avancer les choses. Sa crédibilité en matière d’environnement auprès des autres pays est à zéro. Un récent rapport du Climate Change Performance Index lui donne la pire note dans la lutte contre les changements climatiques parmi les pays du G20. La planète entière sait que les politiques défendues par le gouvernement Harper sont à l’inverse des souhaits des Canadiens, dont deux sur trois veulent que leur pays collabore davantage aux efforts internationaux de lutte contre les changements climatiques. Ce qu’auraient dit sans doute les députés de l’opposition que le gouvernement a refusé d’inclure dans la délégation à Varsovie.

La ministre Aglukkaq peut se voir comme un chef de file à Varsovie, mais la réalité est qu’elle ne sera le chef de personne et d’aucun groupe. Qui donc voudrait suivre un dernier de classe ? Elle devra se contenter d’être dans l’ombre des États-Unis, qui ont pour eux l’avantage de leurs poids économique et politique et, parfois, une meilleure compréhension des enjeux climatiques. Le Canada est isolé sur son île. Le pire, c’est qu’il l’a voulu ainsi.


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