La vertu n’est pas de ce monde. Si elle l’était, nous le saurions depuis longtemps. Depuis le début de l’humanité et l’exercice de la pensée, des intellectuels de tout acabit ont débattu, parfois avec véhémence, de la liberté. Quelques-uns prônaient la liberté totale, alors que d’autres appelaient à une forme de liberté balisée, encadrée et contenue. Chacune des positions vaut son pesant d’or. Peut-on tout dire ? Avons-nous le droit de tout faire, et ce, peu importe les conséquences ? Voilà des questions auxquelles plusieurs philosophes, politiciens, moralisateurs et législateurs ont tenté de répondre.
Aujourd’hui, en 2020, nous pensions avoir fait le tour et semblions d’accord sur le fait qu’il fallait libérer la parole et la pensée. Malheureusement, il ne faut pas se tromper et se cacher les yeux, se boucher les oreilles et se reposer sur ses lauriers. Non, la liberté d’expression n’est pas encore gagnée. Loin de là, une censure existe et essaie de prendre le pas dans les médias comme dans les espaces de travail et de débat. Il s’agit de la censure bien-pensante.Elle n’est pas nouvelle, détrompez-vous. Non, elle existe depuis des décennies, mais elle a pris diverses formes. À certaines époques, cette censure mettait au bûcher les dissidents de la pensée. La nouvelle religion de la bien-pensance joue de son poids pour empêcher les uns et les autres d’énoncer des faits, des idées allant à l’encontre de la doxa populaire ambiante.
Nécessaires débats
Sous prétexte de défendre la liberté d’expression, ces individus de la religion de la bien-pensance demandent la censure, le retrait des textes, le déboulonnage des statues, la réécriture de l’histoire ; en résumé, détruisons tout pour tout réécrire. En d’autres mots, ôtez de mes yeux, de mes oreilles ce que je n’aime pas et me voilà heureux et défenseur de la liberté d’expression. N’est-ce pas là une contradiction flagrante ?
Ces défenseurs de la liberté d’expression, adeptes de la bien-pensance, se plaignent des médias dont le traitement des informations est trop identique, similaire. Cependant, si un média traite différemment une information, alors ils le condamnent, l’obligent à se rétracter et à faire amende honorable. En même temps, ils dénoncent des manières de faire mais agissent de la même sorte. Il y a comme une sorte de bipolarité dans ces groupes idéologiques et une négation de leur leitmotiv. Si ces individus veulent défendre la liberté d’expression, ne devraient-ils pas alors aussi défendre les opinions différentes des leurs ?
Nous devons demeurer vigilants et cohérents. Si nous voulons défendre la liberté d’expression, nous devons alors admettre que ces expressions sont différentes et parfois très opposées aux nôtres. La censure bien-pensante est bel et bien présente et nous devons, défenseurs de la liberté d’expression, mettre en avant les contradictions de cette censure. Non, il ne faut pas retirer des textes sous principe que la façon de penser, de voir et de sentir le monde est différente. Non, il ne faut pas se repentir de penser autrement que la doxa majoritaire. Pensons librement et énonçons cette pensée avec pour seules limites le fait de ne pas nuire à la liberté d’autrui, de ne pas inciter explicitement à la haine ou à des actes de violence envers tel ou tel individu, tel ou tel groupe. La loi se chargera, au regard des faits, de trancher ce qui est nuisible ou non au bien commun. N’oublions pas que la démocratie est construite justement sur le principe du débat contradictoire où chacun exerce sa liberté d’expression, et ce, avec comme trame de fond, le respect d’autrui. La liberté d’expression est fragile, alors soyons vigilants !