Une grève incomprise par tous, grévistes, élus et payeurs

Cesser la grève des livres et donner une trêve qui délivre.

Souverainistes, la balle fait des rebonds dans la cour...

Tribune libre

Ca fait des semaines que des étudiants au Québec sont dans la rue, ou à des endroits où ils ne sont pas supposés être. Certains sont maintenant à plein temps au travail rémunéré, disons pour pouvoir faire face à l’augmentation des frais si le gouvernement tient mordicus. Des professeurs et des fonctionnaires sont au chômage déguisé, payés pour autre chose non inscrite à leurs contrats. Quelque chose là, sens déjà le moisi! Et ce n’est absolument pas l’argent qui est en cause.
Chacun le voit, le gouvernement ne manque pas d’argent pour investir dans les grands plans. Quel plus grand plan imaginable surpasserait le développement humain? Former la jeunesse est de loin le vital investissement. Déjà nous y investissons, diront les élus, une importante portion de la cagnotte des contributions. Cela est peut-être vrai, mais quelle est la logique de faire payer les jeunes en cours de formation?
Les jeunes de nos jours ne fréquentent pas que l’école, ils flirtent avec le goût de la «belle vie». Ils ne sont pas les pauvres à qui la grève semble être dédiée, ces autres sont aux petits boulots dans le but de gagner des sous pour le compte des commerces du cellulaire, du loisir et de divers gadgets consuméristes. Les pauvres des pauvres ne font pas les études supérieures, ou alors la hausse des frais ne les concernera pas, d’une certaine façon. Eux peuvent compter sur les bourses, d’excellence entre autres. Pourquoi grève-t-on réellement, ou plutôt pourquoi ne pas réfléchir et agir autrement, pour faire fléchir le gouvernement?
Autrement, il convient de ne pas avoir de fixation pour les chiffres, les gouffres de charges ou les pactoles imaginaires. L’erreur première est de penser que l’argent est le nerf de la guerre. C’est une déformation à corriger, pour ne pas voir des guerres partout et se comporter conséquemment. La philosophie originale considère plutôt que les finances sont le nerf de la République, ce qui traduit «res publica» ou chose commune, soit l’intérêt public. On est donc ici loin de l’esprit de conflits autodestructeurs ou ceux du gaspillage insouciant.
Agir autrement, c’est revisiter nos modèles organisationnels et notre projet de société. Je crois que personne ne souhaite vivre dans une société où la vie est dictée uniquement par la bourse et la loi. Dans notre société en équilibre, le bon sens doit avoir sa place. Et ca a du bon sens que les jeunes soient à temps plein assignés à l’acquisition des lumières et des compétences. Autant ça a du bon sens que des gens de lumières soient payées pour éclairer les voies du nerf de la République. Faire payer les étudiants, c’est les détourner de leur obligation première, étudier. Les faire payer, c’est leur vendre le mode d’études-travail  à temps partiel. Ainsi on fait des études une carrière, l’école traîne à fournir aux emplois qualifiés, et la société y perd à faire fonctionner des structures peu performantes.
Augmenter les frais, c’est fuir le problème et choisir de financer l’incompétence dans l’ignorance. Dans cette arène, les images sont des armes. On parle d’augmenter les frais ou les taxes, et c’est couper le revenu des parents ou l’argent de poche des étudiants. La coupe part du bas, plus bas que le bas du gras, pour engraisser davantage le haut d’une pyramide inversée du revenu. Un moment, la coupe sera insoutenable et nous devrons passer du gel au dégraissage. Payer cher garantie la qualité d’une consommation, et non celle d’un investissement. Ceux qui craignent l’exode des cerveaux oublient que dans toute société, la place du meilleur (ou premier) est unique. Vous déplacez le meilleur et un autre émerge aussitôt. Et tout le monde y gagne.
Réfléchir autrement, c’est remettre en question nos croyances, nos modes de vie, nos visions et nos façons de faire progresser nos causes et la société. Bien des citoyens assistent aux combats de grévistes comme à une partie de hockey à la télé. Nous ignorons le piège du cycle pernicieux de la grève. Une grève en couve plusieurs autres, lorsque des gains en argents constituent l’enjeu. Celle-des étudiants n’est pas la première, et c’est ce qui est troublant. Les professeurs, les médecins, les infirmières, les procureurs, les gardiens de prisons, etc., tous les corps de métiers ont recours à la grève, afin de faire des gains pécuniaires. Toutes les fois qu’il y a grève, nous perdons de vue la société, et pressons les élus d’aspirer la fumée. Chaque fois le gouvernement achètera la paix ou le vote, facturera le citoyen moyen, ou endettera les générations en éducation. Se faisant, il crée des déséquilibres réels ou imaginaires qui en appellent à d’autres grèves. Si le droit de grève est inaliénable, il est plutôt inconcevable que nous en ayons fait un mode privilégié de communication, dans un monde inondé d’ondes de divertissements. Nous ne savons plus négocier, de bonne foi et avec lucidité, sans couteaux à la gorge. Je dis «nous», inclusivement. Quand les syndiqués du secteur privé grèvent, je comprends que cela ne puisse me concerner qu’indirectement comme consommateur. Mais quand un fonctionnaire grève, je suis son patron, alors je suis concerné. Il en est de même des étudiants. Pas de lockout, pas de grève, dans un monde équilibré.
La culture de la grève m'inquiète. Les jeunes grèvent pour se faire servir. Quand ils seront adultes et en postes de gouvernance, ils offriront la grève en service aux citoyens. Je vois alors les aînés munis de pancartes pour faire valoir leur dignité! Trop c'est trop, je crois que notre société est allée trop loin. La grève n'est plus un moyen ultime, elle est devenue le moyen de premier choix. Il faut revenir plusieurs miles en arrière, pour retrouver la voie de sortie. Les conflits naissent des défaillances de réflexion et de communication. Au gouvernement et aux grévistes, je propose une trêve pour retrouver la voie qui nous délivre de l’impasse.

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François Munyabagisha79 articles

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Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,

depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.





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4 commentaires

  • François Munyabagisha Répondre

    30 mars 2012

    Cher Jonathan,
    Ta colère est compréhensible, elle doit être aussi compressible.
    Tu marques un point, évoquant l'escroquerie de la dette. Dans un autre texte j'en parle (aller au 4eme paragraphe)
    http://www.journalexpress.ca/Opinion/Tribune-libre/2012-03-23/article-2938059/De-mauvaises-causes-a-la-case-depart-%26laquoje-connais-la-tune!%26raquo/1
    Le problème n'est pas d'un gouvernement penché ou poche, c'est la noirceur dans laquelle sont plongées les lampadaires publiques: Universités, médias, temples. Sérieusement, où sont les penseurs éclaireurs de ce pays? Il y a un sérieux problème, plus grave que celui d'une greve de la faim pour des «frais gratuits». Vous n'êtes même pas à même de comprendre que la «gratuité des frais» est un jeu de mots. Vous, la Jeunesse, allez payer les services que vous recevez en servant la nation. C'est vous qui allez payer nos pensions, c'est vous qui vous occuperez de nos dépouilles, de nos mémoires, des déchets du vieillissement de nos infrastructures. Quand nous vous faisons payer, vous payez en double, dans le noir.
    Gréver ne sert à rien. Constituez un mouvement national, rassemblez-vous, réflechissez pronfondément et définissez clairement le type de société vous voulez bâtir. Une fois que celà aura été fait, vous n'aurez plus besoin de gréver.

  • Archives de Vigile Répondre

    25 mars 2012

    Je crois que lorsqu'un gouvernement refuse d'envisager d'autres possibilités, qu'il faille prendre les moyens pour se faire respecter.
    Ceci indique une grande lacune démocratique de notre système, il n'existe pas de mécanisme de contrôle du gouvernent au pouvoir. Selon moi, les politiciens devraient avoir un ordre professionnel et être obliger de servire les intérêts du peuple et non des entreprises; les gens au pouvoir devraient etre poursuivi criminellement pour leurs decisions s'ils sont contraires au desir de la population et perdre tout droit aux postes de la fonction publique. Le problème du conflit actuel, c'est qu'il remet en questions les valeurs des québécois qui ont amenées à la revolution tranquille. C'est 50 ans d'histoire qui est remis en question! Alors un gouvernement a le droit de changer l'idéologie d' un peuple sans le consulter? C'est 200 milliards de dette que les jeunes héritent, en plus de devoir payer les pensions de la generation précédente, ainsi que les frais de santé. L'endettement est a son plus haut, les héritages minées par les soins de longue durée dans des résidence privées... Le système tiens avec de la broche a foins et qui va devoir s'arranger avec? Les jeunes! Moi je dis aucun compromis.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 mars 2012

    Bonjour Mr Olivier
    Merci de lire et réagir. Écrire c'est partager, lire c'est se nourrir et commenter c'est contribuer.
    Déjà que 250 personnes aient cliqué sur le titre, c'est bon signe. Mais il faut effectivement questionner ce qui suscite la participation et l'intérêt des lecteurs.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2012

    Curieux, personne n'a fait de commentaire. Peut-être que que c'était impertinent. La grève, c'est une question de CLASSE