Nos gouvernants ont tellement diabolisé les impôts depuis trente ans, usant de la rhétorique reaganienne et thatchérienne, qu'il est bon de constater que les électeurs n'ont pas été dupes. On sait maintenant que la droite au pouvoir aura d'abord servi des intérêts particuliers qui se sont gloutonnement enrichis. Les inégalités, elles, n'ont cessé de s'élargir, et les services publics d'écoper.
Rien d'étonnant dès lors que le premier sondage du nouvel Institut Broadbent (du nom de l'ancien chef du NPD) mené auprès de 2000 Canadiens par la firme Environics Research, et rendu public hier, relève un appui majoritaire, même chez les électeurs conservateurs!, à la hausse des impôts pour garantir le bien-être collectif.
Il devient en fait loufoque de nous faire croire que pour notre mieux-être, il faut au contraire réduire l'État, de toute manière si boursouflé, nous dit-on, que les coupes passeront inaperçues. Ce fut encore la teneur du discours du budget du gouvernement Harper il y a quelques jours: on taillade 5,2 milliards de dollars de la fonction publique, mais les services aux citoyens n'écoperont pas.
Évidemment, l'équation ne tient pas. Par exemple, une centaine d'inspecteurs en moins à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, comme on l'a appris hier, signifie un danger pour la santé publique. Particulièrement dans un monde de libre-échange et de compétitivité acharnée, alors qu'une surveillance de tous les instants s'impose en matière de salubrité. L'appel à la bonne volonté des entreprises et à la vigilance des consommateurs n'a aucun sens dans le contexte actuel. C'est de la gouvernance anticitoyenne.
Cela est d'autant plus inadmissible que d'autres options existent. Non, l'argent ne pousse pas dans les arbres, mais il est bel et bien dans certaines poches que des décideurs ont décidé d'épargner. Ainsi des entreprises qui ont vu leur taux d'imposition réduit de moitié depuis 2000, le Canada étant maintenant le pays du G7 où leur sort fiscal est le meilleur. Le relever du 15 % actuel à 21 % permettrait d'aller chercher plus de 10 milliards de dollars, démontrait le mois dernier le Centre canadien de politiques alternatives.
Il faudra bien un jour tirer un lien entre les voies suivies par nos gouvernements et la désaffection des électeurs, qui votent de moins en moins. Politiquement, les Canadiens sont d'abord des gens du centre, tendance centre-gauche, comme le démontrait notre sondage Léger Marketing samedi. Ce constat se marie parfaitement avec les données de l'Institut Broadbent, qui signale que très majoritairement, les Canadiens de tous les horizons, tous les revenus, tous les âges, tous les sexes, sont prêts à payer plus d'impôts pour les programmes sociaux.
Le gouvernement Harper, qui prétend sur toutes les tribunes agir au nom de la population, devrait au premier chef tendre l'oreille. Mais il faudra bien aussi que ceux qui n'ont que la crise des finances publiques à la bouche, ou la «juste part» des utilisateurs-payeurs, débouchent les leurs.
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