Parler de la mafia à la commission Charbonneau rend prudent. Tout à coup, les témoins sont moins volubiles et, surtout, offrent une vision de cet univers qui se réduit à des relations sociales.
Le témoignage de l'entrepreneur en construction Giuseppe (Joe) Borsellino, à la barre des témoins de la commission Charbonneau depuis lundi, en donne une illustration parfaite. Dès que les premières questions ont fusé concernant les liens de M. Borsellino avec la famille Rizzuto, tête dirigeante présumée de la mafia montréalaise, un certain malaise s'est installé. M. Borsellino a commencé plusieurs de ses réponses laborieuses en disant: «En tout respect...»
L'analyste Michel Picard, de la firme Analys6, qui a travaillé à la Gendarmerie royale du Canada, notamment dans le dossier Norbourg, fait d'ailleurs remarquer que Joe Borsellino est un peu recourbé au moment d'aborder ces questions délicates, ce qui traduirait une attitude d'humilité. «Il évite de se placer au-dessus des gens qui le questionnent», dit-il. Mais, selon lui, «Joe Borsellino apparaît somme toute à l'aise». «Il se permet même de «challenger» le procureur. En fait, il semble savoir quoi dire, quoi ne pas dire et de quoi il ne doit pas se souvenir. Il garde ses distances de la mafia», estime M. Picard.
À plusieurs reprises, M. Borsellino a joué la carte de sa supposée méconnaissance du français. Du coup, il entretient une certaine confusion qui semble le servir, note M. Picard.
Ainsi, lorsque la Commission l'interroge sur son passage à tabac par trois hommes, en juillet 2009, qui l'a laissé défiguré, M. Borsellino dit qu'il veut oublier «ces affaires-là». Et s'il reconnaît que l'événement visait à lui passer un message, il affirme en ignorer la véritable signification. Et, de toute façon, «ce serait trop long» à expliquer.
«Il n'est pas étonnant de voir une attitude si évasive quand il est question de la mafia. Qui ne deviendrait pas prudent en abordant un sujet aussi délicat? Les gens ne veulent pas être identifiés à des personnes aux accointances mafieuses. Mais la solidarité italienne passe en premier», souligne Michel Picard.
L'automne dernier, l'ex-entrepreneur Lino Zambito a peu égratigné la mafia lors de son témoignage. Les vidéos provenant de l'enquête Colisée sur la mafia, qui le montraient au quartier général, le Consenza, en train de fraterniser notamment avec les Rizzuto et ses lieutenants ou leur remettre de l'argent comptant, l'ont forcé à reconnaître les faits. M. Zambito a toutefois insisté sur les liens importants au sein de la communauté italienne et sur l'importance des valeurs familiales.
***
Sur l'image : Giuseppe Borsellino
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé