Que penser du principe de l’autodétermination des peuples au XXIe siècle ? Douze chercheurs internationaux sont réunis à Montréal dans l’amphithéâtre de la Grande Bibliothèque pour en discuter ce vendredi.
Pour Daniel Turp, le président de l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI), ce colloque international webdiffusé constitue presque un acte fondateur de cette organisation fondée au printemps 2016.
Les cas de la Catalogne, de l’Écosse, de la Crimée, de Hong Kong, du Soudan du Sud, du Québec et de plusieurs autres seront examinés sous plusieurs angles.
La question des peuples autochtones occupe aussi une place importante dans cette rencontre.
L’anthropologue de l’Université Laval Natacha Gagné examine la question des territoires français d’outre-mer, par exemple en Nouvelle-Calédonie où la question de l’indépendance est toujours à l’ordre du jour.
Raquel Yrigoyen Fajardo, de l’Université pontificale catholique du Pérou, examine la situation des premiers peuples d’Amérique du Sud. Et le professeur O’Sullivan de l’Université Charles Sturt en Australie s’intéresse à l’autodétermination des Maoris par rapport à la politique de la souveraineté contemporaine.
Mais qu’est-ce qu’un peuple ? se demande Alain Dieckhoff, le directeur du Centre de recherches internationales de Sciences-Po à Paris. Et qu’est-ce que signifie aujourd’hui l’autodétermination ?
« Mettre l’accent sur le principe d’autodétermination, ce n’est pas parler forcément d’indépendance », explique Daniel Turp.
Faute de reconnaissance
En entrevue au Devoir, la juriste française Marthe Fatin-Rouge Stefanini, directrice de recherches au CNRS, observe une absence expresse du droit à l’autodétermination des peuples dans la plupart des constitutions.
Il est rare en effet de trouver, comme dans la Constitution éthiopienne, des dispositions expresses comme celle-ci : « Chaque nation, nationalité ou peuple de l’Éthiopie a un droit inconditionnel à l’autodétermination, y compris le droit à la sécession. »
En France, en raison d’un cadre républicain jacobin, la question des processus de sécession n’est pas tellement abordée aujourd’hui, dit-elle. La tradition républicaine de la France fait que « les juristes français sont plutôt réticents par rapport à des mouvements autonomistes ». Ils craignent un morcellement de l’Europe.
Les faits et le droit
L’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes connaît une évolution. Mais le problème des minorités est qu’elles ne sont pas forcément associées à un territoire précis, pas plus hier qu’aujourd’hui.
L’État-nation comme base d’un pays ne serait donc pas une panacée ? « On a surtout fonctionné selon ce principe de l’État-nation jusqu’ici. […] Au fond, tout le problème est surtout politique. Le droit ne peut rien à un certain moment. La solution se trouve, dans les faits, dans l’acceptation politique d’un fait plutôt que dans le droit. […] Comment trouver un équilibre entre les États et les minorités ? Pour l’instant, c’est plutôt l’État qui est fort. Mais dans une démocratie, il doit y avoir plusieurs courants d’exprimés. »
Il existait 51 États il n’y a pas un siècle. Il en existe aujourd’hui 193, dit Daniel Turp.« On peut avoir l’impression que le droit fige une situation. Or une constitution est vivante. C’est la métaphore du “living tree”, de l’arbre vivant. La constitution offre un cadre, mais celui-ci doit toujours évoluer. Le droit peut toujours être modifié. Du moins en principe. »
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