Une société de la Barbade citée dans les paradise papers a été actionnaire de l’entreprise Flora-Agritech dont l’un des fondateurs a déjà été en affaire avec un affilié des Hells Angels, a découvert notre Bureau d’enquête.
En décembre 2017, les Entreprises Flora Agritech ont été créées et Stéphane Desjardins était alors inscrit comme président. Il s’est ensuite retiré, mais il est maintenant président de sa filiale qui gère la construction des serres, selon le Registre des entreprises du Québec (REQ).
Le projet situé à Bécancour, près de Trois-Rivières, représente des investissements de 40 millions $.
M. Desjardins, comme le révélait notre Bureau d’enquête hier, a eu des liens d’affaires avec Charles Huneault considérés par la police comme un «affilié» des Hells Angels.
Outre ces liens inquiétants, nous avons aussi découvert que le deuxième actionnaire de départ de Flora-Agritech était Amphora Life Insurance, une société enregistrée à la Barbade, un paradis fiscal. L’entreprise a été citée parmi plusieurs autres sociétés dans les fuites des paradises papers.
Si la pratique n’est pas illégale, elle soulève toutefois plusieurs questions notamment celle de la provenance réelle de l’argent puisque ces paradis fiscaux ont des juridictions opaques.
M. Desjardins a refusé de répondre à nos questions sur cet investisseur. En mars 2018, Amphora s’est retiré de la liste d’actionnaire. Mais un des administrateurs, Louis Galardo, est aussitôt devenu administrateur de la compagnie de cannabis. Ce dernier est aussi président de Ventrum, une société à portefeuilles basée à Montréal.
Ni à M. Garlardo ni Amphora n’ont rappelé le Journal.
«Inquiétudes»
Flora Agritech n’a pas encore obtenu sa licence de Santé Canada. Pour l’obtenir, ses dirigeants devront obtenir une habilitation de sécurité après des vérifications du ministère et de la GRC du casier judiciaire ou de tout renseignement «défavorable», notamment.
Des médias et des politiciens ont déjà tiré la sonnette d’alarme concernant ses enquêtes, plus particulièrement le sénateur conservateur Claude Carignan
«Ça a toujours été une de nos inquiétudes que le système de vérification ne soit pas à point et qu’il laisse s’infiltrer des gens avec un passé douteux ou des fréquentations douteuses», a-t-il réagi à notre enquête.
Sans vouloir toutefois se prononcer sur ce cas précis, il a reconnu que «ce genre d’histoire ne [l]e surprend pas.»
Santé Canada refuse de discuter des habilitations de sécurité Flora-Agritech pour des raisons de confidentialités.
Le ministère a tout de même précisé que tout lien avec le crime organisé d’un dirigeant d’une entreprise ou d’une filiale entraîne le rejet de l’habilitation de sécurité. Santé Canada a aussi le pouvoir de désigner d’autres personnes dans la compagnie qui pourraient devoir en obtenir une.
Enquête sur la provenance des fonds
Par ailleurs, Flora-Agritech souhaite devenir un fournisseur de la Société québécoise de cannabis du Québec et devra donc se soumettre à des vérifications de l’Autorité des marchés publics sur la provenance de ses investissements.
Cette procédure a été ajoutée à loi québécoise sur le cannabis après que notre Bureau d’enquête eut révélé que plusieurs producteurs de cannabis étaient financés par des paradis fiscaux.
Un amendement semblable avait été voté par les sénateurs à Ottawa, mais les députés l’avaient rejeté.
«Je regrette beaucoup que le gouvernement ait rejeté l’amendement que j’ai proposé au Sénat qui aurait permis d’augmenter la transparence des entreprises liées au cannabis qui font affaire dans les paradis fiscaux», a déploré le sénateur Carignan.
De son côté de Bécancour, le maire Jean-Guy Dubois indique que la ville se contente d’appliquer les règlements municipaux concernant le zonage.
«Bien que la situation soulevée puisse être préoccupante, nous faisons confiance aux autorités compétentes afin d’assurer le respect des règlementations afférentes à cette industrie», a-t-il réagi.
Avec la collaboration de Guillaume St-Pierre