Le ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, s’est dit « fier » de déposer mercredi le projet de loi resserrant l’encadrement du cannabis, qui vise notamment à fixer à 21 ans l’âge minimal requis pour « acheter » ou « posséder » du cannabis. Le premier ministre, François Legault, avait promis de légiférer « le plus tôt possible » pour arriver à cette fin.
Le projet de loi 2 du gouvernement de la Coalition avenir Québecdonne notamment suite à la promesse de tirer vers le haut — de 18 à 21 ans — l’« âge minimal requis pour acheter du cannabis, en posséder et accéder à un point de vente de cannabis ».
D’autre part, il interdit à la Société québécoise du cannabis (SQDC) d’exploiter un point de vente de cannabis à moins de 250 mètres — ou 150 mètres sur le territoire de la Ville de Montréal — d’un établissement d’enseignement collégial ou universitaire. À l’heure actuelle, la filiale de la Société des alcools du Québec (SAQ) ne peut tenir boutique à proximité d’une école préscolaire, primaire ou secondaire.
II est aussi proscrit de fumer du cannabis sur les « voies publiques » municipales, dont les « route, chemin, rue, ruelle, place, pont, voie piétonnière ou cyclable, trottoir ou autre voie qui n’est pas du domaine privé ainsi que tout ouvrage ou installation, y compris un fossé », prévoit le projet de loi 2.
Il est également interdit de posséder du cannabis « sur les terrains, dans les locaux ou dans les bâtiments d’un établissement d’enseignement collégial ou universitaire, à l’exception des résidences universitaires », peut-on lire.
Le projet de loi rédigé par Lionel Carmant prévoit aussi que l’exploitant d’un établissement de santé s’expose à « une amende de 1000 $ à 50 000 $ » si des personnes autres que celles qui y sont admises ou hébergées fument dans des chambres, ou encore que des résidents fument dans des espaces non fumeurs.
« En voulant augmenter l’âge légal, le gouvernement de François Legault agit de façon irresponsable sur un enjeu qui est tout sauf banal. Cette orientation forcera les adultes de 18 à 20 ans à se tourner vers le crime organisé », a mis en garde le porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, André Fortin. « Le gouvernement doit cesser de faire la sourde oreille aux experts. »
Or, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) appuie « pour des raisons médicales » le rehaussement de l’âge légal de consommation du cannabis à 21 ans. « Il est opportun de retarder le plus possible la première consommation de cannabis. [Les] jeunes qui cessent de fumer du cannabis durant seulement une semaine voient leur apprentissage scolaire et leur mémoire s’améliorer très rapidement. [Par ailleurs, il y a] des changements dans les régions du cerveau touchant les émotions chez les jeunes fumant du cannabis au moins une fois par semaine », explique la présidente de la FMSQ, la Dre Diane Francœur, citant des études du Journal of Clinical Psychiatry et du Journal of Neurosciences.
Le leader parlementaire de l’opposition officielle, Sébastien Proulx, a demandé mercredi la tenue de consultations « les plus élargies possible » sur le projet de loi 2, estimant qu’il « est nécessaire d’entendre » un certain nombre de personnes avisées sur le sujet. Le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, s’y est refusé. Il opte pour de « courtes » consultations.
À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a une fois de plus noté que le changement législatif de la CAQ soulevait des questions quant à l’objectif de la loi fédérale, soit de protéger les jeunes et de retirer le commerce du cannabis des mains du crime organisé. « Ça soulève quelques questions, qu’un jeune de 18 ans puisse aller chercher cette semaine du cannabis de façon légale, mais que dans quelques mois il pourra peut-être seulement aller l’acheter chez les Hells. C’est des questions auxquelles le gouvernement devra répondre. Mais ils prendront leurs décisions comme ils ont le droit de le faire », a commenté M. Trudeau à son arrivée au parlement mercredi.
Sa ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, avait avoué en octobre s’attendre à des contestations judiciaires de lois provinciales plus sévères que la loi fédérale — qui autorise la consommation de cannabis à compter de 18 ans. « Le gouvernement du Canada ne contestera pas une loi provinciale, avait-elle alors assuré, prudente. Mais cela ne veut pas dire qu’une tierce partie ou un individu ne le fera pas. »
Le gouvernement Trudeau a toujours pris soin d’éviter de préciser si Ottawa interviendrait dans une telle cause.