Simple potinage que ces révélations au sujet de la liaison du ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, avec une femme ayant eu des liens avec des membres des Hells Angels et d'un groupe criminel lié à cette organisation? On ne peut pas réduire cette affaire à du voyeurisme politique. Au-delà du droit au respect de la vie privée d'un ministre se posent ici des questions ayant trait à la sécurité.
Pour bien comprendre cette affaire, il faut d'abord se rappeler la surprise causée par Maxime Bernier lorsqu'il s'est présenté à Rideau Hall le 14 août dernier pour son assermentation à titre de ministre des Affaires étrangères avec, à son bras, une femme à la tenue vestimentaire jugée osée, du moins par le bureau du premier ministre, qui en a fait le reproche au ministre. Les journalistes qui ont voulu connaître le nom de la dame en question ont pour leur part buté sur des fins de non-recevoir. Plus tard, M. Bernier a présenté Julie Couillard comme sa conjointe afin qu'elle puisse voyager avec lui. Elle l'a accompagné dans quelques missions, notamment à l'Assemblée des Nations unies. À certaines occasions, elle a cherché à participer aux séances de breffage du ministre, ce qui lui a été refusé. Ce n'est que récemment que Maxime Bernier aurait été informé des liens passés de Mme Couillard avec des milieux criminels. Il a mis fin à cette relation il y a quelques semaines.
Les collègues du ministre raillent la curiosité de l'opposition libérale et bloquiste en citant la célèbre déclaration de Pierre Trudeau selon laquelle «l'État n'a pas sa place dans la chambre à coucher». Il est bien vrai que l'État, pas plus que les médias, n'a à connaître ce qui se passe dans la chambre à coucher de quiconque. Mais à l'extérieur de cet endroit, certaines choses sont d'intérêt public lorsqu'un ministre est en cause. Les ministres et leurs conjoints sont soumis à certaines règles, dont l'une, non écrite, consiste en l'obligation d'agir avec discernement et prudence.
Dans le cas présent, il faut rappeler que le poste de ministre des Affaires étrangères est soumis, en raison de son statut, à des règles strictes de sécurité. Maxime Bernier est détenteur de secrets d'État qui peuvent avoir trait tant à la sécurité du Canada qu'à celle de ses alliés. Sa compagne n'a pas été soumise au processus de vérification de ses antécédents, ce qui n'est pas formellement requis, mais elle aurait dû prévenir son nouveau compagnon de ses relations antérieures. Certes, n'ayant aucun dossier criminel, elle n'était pas obligée de le faire, mais à titre de «femme de César», elle était soumise à l'obligation morale d'être au-dessus de tout soupçon. Résultat: le ministre des Affaires étrangères se trouve aujourd'hui dans l'embarras. En refusant par ailleurs de répondre aux questions de l'opposition, qui veut savoir si Mme Couillard a eu accès à des secrets d'État, il alimente la confusion qui règne autour de cette liaison amoureuse.
Comment expliquer ce comportement de la part du titulaire d'un des postes ministériels les plus importants du pays, si ce n'est par une naïveté incommensurable? Sa distribution de gâteaux Jos Louis aux soldats canadiens en Afghanistan nous avait déjà permis d'en prendre la mesure, tout comme son appel à la révocation du gouverneur de Kandahar. Sa candeur et son inexpérience en font un des ministres des Affaires étrangères les plus faibles que le Canada ait jamais eus. La confiance que lui vouent les diplomates canadiens est quasi nulle. On peut imaginer que les Bernard Kouchner, Condoleezza Rice et autres homologues étrangers ne lui portent pas davantage de respect. Décidément, ce ministre est trop candide pour jouer dans la cour des grands. Le premier ministre Harper doit l'en retirer.
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