(Ottawa) Une pluie de critiques s'est abattue hier sur le projet de loi antiterroriste du gouvernement Harper. Les représentants des Premières Nations, de Greenpeace, et des groupes de défense des droits de la personne ont soutenu à l'unisson que le projet de loi C-51 était mal ficelé, allait trop loin et devait être retiré sur-le-champ.
Le chef pancanadien des Premières Nations, Perry Bellegarde, a d'ailleurs lancé un avertissement: son organisation a la ferme intention de contester le projet de loi devant les tribunaux s'il est adopté sous sa forme actuelle.
D'autant plus que le gouvernement Harper a failli à son obligation de consulter adéquatement les peuples autochtones avant d'accoucher du projet de loi C-51, qui accorderait notamment de nouveaux pouvoirs au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et permettrait le partage d'informations liées à la sécurité nationale entre les diverses agences et organisations gouvernementales.
Comparaissant devant le comité chargé d'étudier le projet de loi C-51, le chef Bellegarde a soutenu que les peuples autochtones font déjà l'objet d'une surveillance abusive de la part des forces de l'ordre parce qu'ils s'opposent à des projets de développement de ressources naturelles.
«Nous faisons déjà l'objet de beaucoup de surveillance de la part des forces policières et des agences. Et ce projet de loi va simplement leur donner encore plus de pouvoirs pour nous surveiller. Il va y avoir des abus. Beaucoup de nos gens seront surveillés simplement parce qu'ils veulent défendre nos terres, nos rivières et nos droits», a-t-il affirmé.
«Nous ne voulons pas être considérés comme des terroristes sur nos propres territoires parce que nous voulons protéger nos droits, nos terres et nos rivières», a-t-il aussi lancé.
Inquiétudes chez Greenpeace
La directrice de Greenpeace Canada, Joanna Kerr, a aussi exprimé ses vives inquiétudes quant au respect du droit de manifester ou d'exprimer sa dissidence. Selon elle, le projet de loi est trop vague en ce qu'il accorde aux autorités trop de discrétion pour arrêter des dissidents politiques légitimes.
Elle a rappelé qu'un document secret de la GRC obtenu par La Presse démontrait que le corps policier avait identifié des organisations comme Greenpeace, Tides Canada et le Sierra Club comme faisant partie d'un «mouvement anti-pétrole canadien grandissant, hautement organisé et bien financé, composé d'activistes pacifiques, de militants et d'extrémistes violents qui s'opposent à la dépendance de la société aux combustibles fossiles».
Elle a souligné que des changements sociaux importants tels que l'obtention du droit de vote pour les femmes au Canada ou la fin de la ségrégation raciale aux États-Unis n'auraient pas eu lieu sans le droit de participer à des manifestations massives non violentes.
Plus tôt cette semaine, le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a dit juger «ridicules» les préoccupations des acteurs qui craignent que le projet de loi ne mette en péril les manifestations pacifiques au pays. Il a affirmé que le projet de loi exclut spécifiquement «les manifestations et la dissidence légales».
Partage accru d'informations
L'avocat Paul Champ, qui est membre de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, a de son côté soutenu que les dispositions de C-51 permettant un partage accru d'informations entre les agences et organisations du gouvernement entraîneraient inéluctablement des violations importantes des droits de la personne. Il a soutenu que des informations erronées qui ont été partagées dans le passé ont conduit des individus tout droit vers la torture, rappelant notamment le cas de Maher Arar.
«Ce projet de loi transformera tous les employés du gouvernement en espions», a-t-il laissé tomber.
Au terme de ses travaux, le comité parlementaire de la sécurité publique aura entendu une cinquantaine de témoins.
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