Autour de Bruxelles - La guerre des tranchées

Belgique - des leçons à tirer...



Bruxelles — Pour l'élection de dimanche, le maire de Linkebeek, Damien Thierry, a envoyé aux électeurs des convocations en français ou en néerlandais. Mais, comme Linkebeek est situé en territoire flamand et que l'organisation de l'élection relève de la région, il a été réprimandé. Car en Flandre, la loi prescrit que les convocations doivent être envoyés en néerlandais seulement. Seules six communes bilingues, dont fait partie Linkebeek, peuvent les envoyer en français, mais seulement après une demande expresse de l'électeur.
Voilà le genre de guerres de tranchées qui font rage dans les 40 communes flamandes de Bruxelles-Hal-Vilvoorde qui jouissent depuis 1963 d'un rattachement partiel à Bruxelles pour certains services. Depuis des années, la Flandre réclame la scission de l'arrondissement et l'application des règles flamandes, dont celle de l'unilinguisme néerlandais. Une revendication à laquelle la Cour constitutionnelle a récemment donné du poids en exigeant que cet anachronisme soit réglé avant... 2009!
C'est la proposition de scission de cet arrondissement, soutenue par tous les partis flamands, après l'échec d'une longue médiation, qui a précipité la chute du gouvernement en avril dernier. Aujourd'hui, le problème semble plus insoluble que jamais, explique Damien Thiéry. Maire élu de Linkebeek, mais dont la Flandre refuse de ratifier l'élection, il ne se fait guère d'illusion sur l'avenir de la Belgique et réclame le rattachement complet à Bruxelles de sa commune à 80 % francophone.
Une solution parfaitement inacceptable pour tous les partis flamands sans exception. «Le parti flamand qui accepterait cela ne survivrait pas longtemps», dit le politologue Bart Madden. La raison est simple: depuis la création de la Belgique, des centaines de milliers de Flamands ont été assimilés et la progression du français, bien que ralentie, se poursuit toujours autour de Bruxelles, où le territoire flamand est lentement grugé. Linkebeek en est la preuve vivante puisque, au début des années 1960, elle était entièrement néerlandophone. Les Flamands reprochent aux francophones qui s'y installent de ne pas apprendre le néerlandais et de réclamer des services bilingues.
Toute velléité de scission unilatérale de l'arrondissement risque chaque fois de faire éclater la Belgique. Le pays a frôlé l'abîme à deux reprises depuis trois ans, forçant les francophones à utiliser leur droit de veto. «Mais, cette fois, on ne pourra plus reporter l'échéance et une décision devra être prise», dit Madden.
Interrogé par Le Devoir, le candidat nationaliste Bart de Wever (N-VA), qui risque d'être le grand gagnant de cette élection, a reconnu que si la Flandre était plus autonome, voire indépendante, le climat serait radicalement différent. «Aujourd'hui, il y a un manque total de confiance, dit-il. Ce que nous voulons, c'est qu'on respecte notre territoire. Mais si on a la garantie de ce respect, la situation pourrait changer.» Cela irait-il jusqu'à élargir les droits linguistiques des francophones vivant en Flandre? Madden ne le dit pas.
Comme beaucoup de nationalistes flamands, De Wever est conscient que ce qui rattache encore les Flamands à la Belgique, c'est Bruxelles, qui est à la fois la capitale de la Flandre et un poumon économique incontournable. Mais c'est de moins en moins vrai. Cet attachement subsiste surtout chez les plus vieux, explique Peter de Roover, président du Mouvement populaire flamand (Vlaamse Volksbeweging, VVB), une sorte de Société Saint-Jean-Baptiste flamande. «Aujourd'hui, les jeunes Flamands ne se soucient plus guère de Bruxelles», dit-il. D'ailleurs, le VVB, qui a toujours favorisé l'indépendance de la Flandre avec Bruxelles, vient de voter à son dernier congrès que si ce rattachement s'avérait impossible, la Flandre ne devrait pas hésiter à se séparer quand même. Pour De Roover, c'est un changement majeur. «Bientôt, on ne pourra plus utiliser Bruxelles pour faire du chantage», dit-il.
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Correspondant du Devoir à Paris


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