Halle | Angela Merkel a promis jeudi la plus grande fermeté face à l’extrémisme de droite au lendemain de l’attentat antisémite de Halle en Allemagne, qui selon la justice visait à «commettre un massacre» au sein de la communauté juive.
Il faut «utiliser tous les voies de l’État de droit pour combattre la haine, la violence», a affirmé la chancelière allemande à Nuremberg, en promettant une «tolérance zéro».
L’assaut mené et filmé par un extrémiste de droite allemand de 27 ans lourdement armé a fait deux morts. Il a été diffusé en direct pendant 35 minutes sur une plateforme internet.
Mais le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd si la porte fermée à double tour de la synagogue, où priaient environ 80 fidèles en plein Yom Kippour, la plus grande fête religieuse juive, n’avait pas résisté aux coups de fusil de l’assaillant.
Le jeune homme «avait l’intention de commettre un massacre», a estimé jeudi le procureur antiterroriste Peter Frank.
«Ce qui s’est passé hier, c’était du terrorisme», a-t-il ajouté, précisant que quatre kilos d’explosif artisanal avaient été retrouvés dans la voiture du jeune homme, identifié dans les médias allemands comme Stephan Bailliet.
Le jeune homme a agi seul, selon la police. Faute d’avoir pu pénétrer dans la synagogue, il a tué manifestement au hasard une passante et le client d’un restaurant turc à proximité, avant d’être arrêté par la police à la suite d’une course poursuite en voiture.
«Nous devons protéger» les juifs en Allemagne, a affirmé jeudi le chef de l’État Frank-Walter Steinmeier, conscience morale du pays, face aux critiques de cette communauté, qui ne s’estime pas assez protégée.
«Honte»
L’attentat de Halle est «un jour de honte et d’opprobre» pour l’Allemagne, 75 ans après la Shoah, a reconnu le président, qui s’exprimait devant la synagogue de Halle.
L’assaillant a manifestement pris pour modèle l’Australien d’extrême droite responsable d’une tuerie dans deux mosquées en Nouvelle-Zélande en mars.
Il a également publié avant l’attentat un «manifeste» antisémite dans lequel il fait part de son objectif de «tuer autant d’anti-Blancs que possible, de préférence des Juifs».
Stephan Bailliet a été décrit par ses proches comme solitaire, vivant encore chez sa mère et obsédé par internet.
«Il n’était en paix ni avec lui-même ni avec le monde, il blâmait toujours les autres», a raconté son père au quotidien Bild.
Décimée par l’Holocauste, la communauté juive allemande est en plein essor en Allemagne à la faveur de l’arrivée depuis le début des années 1990 de nombreux juifs de l’ex-URSS.
Elle compte 225 000 membres, soit la troisième plus grande communauté juive en Europe, derrière la France et la Grande-Bretagne, selon la chercheuse Niele Wissmann.
Antisémitisme
Mais la recrudescence des actes antisémites dans le pays inquiète. L’an dernier, ils ont augmenté de près de 20% par rapport à 2017 pour atteindre le chiffre de 1.799, selon les statistiques de la police. La mouvance néonazie est à l’origine d’une bonne partie d’entre eux, dans un contexte d’essor continu de l’extrême droite politique en Allemagne.
«Nous devons constituer un front uni contre les néo-nazis et autres groupes extrémistes. Le fait qu’ils gagnent en influence en Allemagne 75 ans après l’Holocauste en dit long», a dit le président du Congrès juif mondial, Ronald Lauder.
L’attentat intervient après le meurtre en juin d’un élu pro-migrants du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel (CDU). Le principal suspect est un membre de la mouvance néonazie.
Cette affaire a rappelé la tuerie xénophobe d’un groupuscule néonazi, NSU, responsable du meurtre d’une dizaine d’immigrés en Allemagne à partir de 2000.
Pour la quotidien Süddeutsche Zeitung, l’attaque de Halle fait «ouvrir brutalement les yeux sur ce qu’est devenu entretemps le terrorisme d’extrême droite» en Allemagne.
Angela Merkel, elle-même cible régulière de l’ultra droite pour sa politique généreuse d’accueil des migrants en 2015 et 2016, a exhorté les extrémistes à surveiller leurs «paroles» qui peuvent «se transformer en actes».
Une mise en cause indirecte du mouvement politique d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), en forte progression dans l’opinion et qui entend prendre ses distances sur la repentance allemande pour les crimes nazis.
Une des dirigeantes de l’AfD, Alice Weidel, a accusé ses adversaires politiques «d’instrumentaliser ce crime abject» pour faire de la «diffamation».