Les fonctionnaires de Service Canada devront économiser cette année 430 millions de dollars en « paiements incorrects » d’assurance-emploi. De ce chiffre, quelque 120 millions auront été épargnés au Québec, selon les objectifs de prévention de la fraude fixés par Ottawa.
Le gouvernement fédéral a reconnu la semaine dernière qu’il se fixe des cibles de prestations d’assurance-emploi à couper au pays, réparties par région. La ministre des Ressources humaines a fait cet aveu en réponse aux révélations du Devoir, qui rapportait que les fonctionnaires de son ministère sont sommés de retrancher, parmi les versements d’assurance-emploi, des sommes établies par le gouvernement. La ministre Diane Finley avait alors nié que les fonctionnaires se voient imposer des « quotas », préférant parler d’« objectifs par région ».
Pour l’année en cours, Ottawa espère donc économiser au Québec - en évitant de verser des prestations ou en récupérant auprès de chômeurs des sommes qui n’auraient pas dû être payées - 120 millions de dollars. En 2010, le fédéral a dépensé 3,4 milliards en prestations d’assurance-emploi dans la province, auprès de 441 500 demandeurs.
En Ontario, Ottawa vise des économies de 110 millions, après avoir versé 3,8 milliards en 2010 ; dans les provinces de l’Ouest et les Territoires, l’épargne espérée atteint 115 millions (pour 3 milliards payés en 2010) ; du côté des Maritimes, c’est 58 millions que veut épargner le fédéral (pour 2,06 milliards versés en 2010). S’ajoutent à ces cibles quelque 35 millions qu’Ottawa prévoit récupérer dans l’ensemble du pays au sein de programmes nationaux, dont l’assurance-emploi fait partie.
À l’échelle nationale, Service Canada envisage ainsi d’épargner en moyenne un peu plus de 3 % des sommes payées l’année dernière (3,5 % au Québec).
« N’importe quel prétexte »
« C’est énorme », a réagi Pierre Céré, du Conseil national des chômeurs. Car pour l’année 2009, Ottawa a recouvré 197,8 millions en prestations qui ont été remboursées au Canada, dont 41,7 millions au Québec, selon un Rapport de contrôle et d’évaluation de 2011 de la Commission de l’assurance-emploi du Canada. « On fait plus que doubler. […] On donne des objectifs et on accélère la cadence, a déploré M. Céré. C’est correct de chercher de vrais fraudeurs, mais quand tu cherches n’importe quel prétexte pour couper pour atteindre tes objectifs, il y a quelque chose qui n’est pas bon. »
D’autant plus que le Québec est le plus durement touché par les cibles du fédéral, alors que l’Ontario compte une plus grande population, a noté M. Céré. C’est que c’est au Québec qu’il y a le plus grand nombre de demandes, a-t-on rétorqué au bureau de la ministre Finley.
« Il est important que Service Canada travaille afin d’assurer que les Canadiens reçoivent les prestations auxquelles ils ont dûment droit », a fait valoir par courriel la porte-parole de Mme Finley.
Or, les cibles révélées par son bureau démontrent que la ministre Finley a bel et bien imposé des quotas à ses fonctionnaires, selon le chef bloquiste Daniel Paillé. « Elle vient de confirmer qu’elle gère comme une entreprise privée, avec des quotas. Et c’est totalement inacceptable. »
Des fraudes potentielles
Ottawa a nié les informations rapportées par une source du Devoir, qui affirmait que les fonctionnaires de Service Canada ont reçu la directive de couper chacun 40 000 $ en prestations d’assurance-emploi. Le gouvernement martèle depuis que les services de l’intégrité enquêtent simplement sur les fraudes potentielles des prestataires d’assurance-emploi, du régime de pensions du Canada et du programme de la sécurité de la vieillesse.
Mais le chef néodémocrate ne s’est guère montré impressionné par les explications du bureau de la ministre quant à la cible élevée fixée au Québec. « Elle dit absolument n’importe quoi, Mme Finley, parce qu’elle est incapable de justifier les gestes qu’ils ont posés jusqu’à maintenant », a accusé Thomas Mulcair.
À l’occasion d’une journée d’opposition, les néodémocrates avaient demandé que le gouvernement annule sa réforme de l’assurance-emploi, qui répartit désormais les chômeurs en trois catégories, les plus fréquents utilisateurs du système devant accepter après sept semaines tout emploi à moins d’une heure de transport de chez eux et pour un salaire jusqu’à 30 % inférieur à celui de leur précédent boulot. La motion a été rejetée à 148 contre 130 voix. La réforme a été vivement critiquée par plusieurs provinces, dont le Québec.
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Photo : (Adrian Wyld) La ministre fédérale des Ressources humaines, Diane Finley à la Chambre des communes mercredi
Les fonctionnaires de Service Canada devront économiser cette année 430 millions de dollars
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