Québec — Ce qu’il y a de plus regrettable, en ces premiers jours de pouvoir du gouvernement Marois, ce sont moins les revirements, reculs ou précisions, dont nous sommes devenus coutumiers, mais ce sur quoi ils portent. Comme si on brûlait un à un, et à la légère, des enjeux de fond.
L’application de la loi 101 aux services de garde vient de prendre le chemin des oubliettes. Enfin, on ne sait trop, car même si la ministre responsable de la Charte de la langue française, Diane de Courcy, a rectifié les déclarations de sa collègue Nicole Léger, ministre de la Famille, il n’est pas exclu que le sujet revienne dans l’arène publique. « C’est ni oui ni non », a répondu Mme de Courcy quant à une possible expansion de la loi.
Nous voilà donc, comme pour l’école privée, comme pour la taxe santé, laissés une patte en l’air, comme s’il s’agissait de points de détail alors que ce sont des choix de société fondamentaux qui sont ici posés. On les gaspille à les effleurer, suscitant l’impatience des uns, tuant l’espérance des autres.
Dans l’affaire des garderies et de la loi 101, ce n’est pas une mécanique d’accès à un service qui est en jeu, c’est la bilinguisation de Montréal. Quel signal donne-t-on aux immigrants qui y débarquent (et que peu d’entre eux quitteront pour le reste du Québec) qu’ici, c’est en français que ça doit se passer? Si l’on excepte la parenthèse scolaire (et tous n’ont pas des enfants au niveau primaire et secondaire), l’incitation reste faible, et l’attrait de l’anglais domine.
Un exemple de cet attrait? Les garderies! Des parents ont critiqué la proposition de la ministre Léger parce que cela empêcherait leurs bambins d’apprendre l’anglais! Ainsi, envoyer les enfants des nouveaux venus dans des centres de la petite enfance opérant en français relèverait du traumatisme (il fallait entendre les exclamations outrées du Parti libéral à ce propos), mais les mettre en contact avec l’anglais dès le berceau, c’est s’ouvrir sur le monde et miser sur l’avenir… Eh ben.
On fait comment alors pour s’assurer que l’avenir du Québec se passe en français? Démographie oblige, l’immigration est devenue incontournable, mais l’intégration que nous offrons est loin d’être optimale. Plus du tiers des nouveaux venus ne connaissent pas un mot de français à leur arrivée. Notre responsabilité, c’est de leur ouvrir les portes qui les sortent de leur sphère privée pour leur faire prendre part à notre société, leur en donner les clés. Ceci appelle donc, notamment, à une réflexion sur le français dans les petites entreprises, le commerce, les services de garde, les services gouvernementaux…
Mais si le seul fait d’évoquer une idée pour tenir compte de notre société changeante et l’adapter à un Québec qui a pour langue officielle le français fait aussitôt frémir, il y a quelque chose qui ne tourne plus rond. Quand en plus un gouvernement du Parti québécois envoie à cet égard des signaux confus, il y a de quoi s’y perdre.
Le cas de l’école est dans la même veine. L’école publique va mal, particulièrement au secondaire, particulièrement à Montréal. (Il faudra bien d’ailleurs s’interroger un jour sur la fuite des parents vers le privé et le lien potentiel avec l’immigration qui, outre les questions d’intégration et de langue, soulève aussi toute la problématique de la pauvreté. L’école montréalaise gère-t-elle du scolaire ou des problèmes sociaux? se demande le parent inquiet.)
Quand parlerons-nous pour de bon, et globalement, de l’état de l’école publique? Les exigences, l’encadrement, les immeubles, les horaires, la motivation des jeunes, des enseignants… Et quand admettrons-nous que la place grandissante occupée par le privé nuit? Y envoyer quelques enfants en difficultés, comme cela a été proposé par les libéraux puis les péquistes, ne contribue en rien à la mise en place d’un système d’éducation publique de la plus haute qualité dont le Québec devrait se faire une obsession.
Au lieu de quoi, on n’en a que pour le décrochage, mais en ne comprenant rien au phénomène. C’est la faute de l’école, qui n’est pas faite pour les garçons, veut le grossier cliché. C’est plutôt la faute de l’entreprise qui avale encore de la main-d’oeuvre non diplômée pour mieux la rejeter quand elle ne fera plus l’affaire. Le Plan Nord en donne un exemple éloquent : sur la Côte-Nord, les entreprises recrutent les adolescents avant la fin du secondaire, les alléchant avec de bons salaires, soulignait Le Devoir il y a quelques jours. Encore des gens que l’on aura à reformer, non sans difficulté, quand le chantier ou l’usine fermeront.
Mais qui se préoccupe de telles incohérences? Les libéraux, affairistes, n’avaient pas cette hauteur de vues. Le gouvernement Marois, lui, lance des idées qu’il retire dès que la vague arrive. Qu’en déduire? Qu’on n’assumera jamais les grands défis qui se posent au Québec?
Gouvernement Marois
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