Une perspective historique d'apprentissage

Après l'échec provisoire du socialisme, le triomphe incertain du capitalisme

Des communistes comme innovateurs

Tribune libre

Indépendamment des mots choisis pour en décrire l’ampleur, c’est bien de l’échec dont il faut parler. Pourquoi, le socialisme étant tombé, le capitalisme résiste-t-il ?
La réponse classique est celle de Lénine comme quoi le régime capitaliste a plus d’âge ou d’expérience pour résister aux pressions populaires de toutes natures. Ses essais et ses erreurs l’ont conduit à mieux s’adapter aux exigences de la bourgeoisie elle-même d’édifier un régime relativement stable qui lui donne en même temps du tonus et une certaine souplesse.
La tentative chinoise et son apprentissage dans l’exercice du pouvoir par les représentant-e-s des ouvrièr-e-s et des paysan-nes peuvent répondre par l’expérimentation à certaines questions sur le sujet. La tolérance religieuse, par exemple, est inscrite dans les mœurs de la Chine contemporaine. Son combat contre la secte de Falun Gong peut être mis en parallèle avec celui de la Scientologie en France, mais le pouvoir communiste cohabite avec quelques-unes des religions les plus anciennes. C’est ce dont nous pouvons nous inspirer, comme avec Cuba, pour en tirer des leçons tout en se démarquant de façon singulière afin d’appeler nous aussi à « un socialisme à la québécoise ».
On ne peut esquiver cependant la façon dont le socialisme est tombé. Une certaine maturité démocratique, développée autour de leur histoire propre et controversée, a conduit aux apprentissages sur la gouvernance des dirigeant-e-s ouvrièr-e-s qui ont ni plus ni moins que cédé le pouvoir plus qu’ils-elles ne s’y ont accroché bêtement comme l’ont fait certaines bourgeoisies nationales. L’alternative au refus de s’en aller, une répression de masse entraînant une guerre civile, n’a pas été l’issu du démantèlement des socialismes. Cette option, qui est perçue comme un recul, une retraite ou une attitude défensive, est à mon avis toute à l’honneur des communistes.
À l’inverse des menaces aux régimes de démocratie libérale, la remise en cause du socialisme n’a pas entraîné les guerres civiles meurtrières comme la tentative de renverser le capitalisme au El Salvador, par exemple, ou en Colombie maintenant. En Indonésie, une répression de masse a fait quelques centaines de milliers de morts sans trop émouvoir la « communauté internationale ». Le recul du socialisme relativement pacifique doit être mis au compte des apprentissages pour le futur de ce type de régime lui-même, à savoir : tomber ou reculer plutôt que d’exercer une répression de masse et totale des populations insurgées. L’alternance démocratique, si elle est respectée par l’appareil d’État bourgeois pourrait donc, tout en forçant l’autocritique, ramener une masse critique des communistes au pouvoir. On pourra toujours prétendre à une certaine fatalité liée à la nature des régimes socialistes, mais l’histoire retiendra aussi que la dissolution des pouvoirs ouvriers n’a pas provoqué les bains de sang des contre-insurrections. Les stratégies mondiales de contre-insurrections planifiées par l’impérialisme étasunien seront, en ce sens, plus coûteuses en vies humaines que les chutes du socialisme.
Est-ce que le socialisme n’a pas déployé, au lieu d’une stratégie réactionnaire, une position de respect du rythme avec lequel les populations voulaient bien voir advenir la société émancipatrice nouvelle annoncée ? Une société qui, tentant de mettre en place les conditions matérielles de cette émancipation, a eu à subir dès le début les attaques politiques et militaires conséquentes à la remise en question du pouvoir bourgeois. Certains diront que l’apprentissage a longuement tardé, mais qu’en dira-t-on quand le capitalisme sera de nouveau mis en cause pour les contradictions inextricables dans lesquelles il s’enfonce à nouveau dans cette dernière crise qui l’a poussé au retour aux réformes de type keynésiennes, i.e. aux concessions qui lui permettent un sursis passager ?
Une autre considération à prendre en compte, c’est la façon dont le socialisme s’est comporté envers ceux qui ont voulu y déployer des stratégies indépendantes pour les contre-pouvoirs. La réponse a été pour le moins brutale, nous devons le reconnaître. Cela fait désormais aussi partie des leçons ou des apprentissages historiques. La bourgeoisie a appris, peut-être du socialisme lui-même, à exercer une certaine tolérance envers les contre-pouvoirs, ce qui l’a obligé à un rythme historique plus lent dans la consolidation des différents régimes par lesquels elle est passée avant d’asseoir une hégémonie durable sur la société.
Trotski avait annoncé une révolution politique interne qui aurait entraîné une extension salutaire de la démocratie ouvrière, mais qui n’est jamais venue sans avoir de conséquences sur la restauration elle-même. Solidarnosc en Pologne a reçu, en plus de celui des puissances impérialistes, beaucoup de soutien de tous les gauchismes de la planète. Cela a conduit à des exigences encore plus radicales des insurgé-e-s. Une souplesse plus grande, plutôt que la défense d’une orthodoxie radicale, aurait sans doute permis cette révolution politique à laquelle appelait l’opposant légendaire à Staline.
Mais n’est-ce pas ce dont la Chine contemporaine a fait l’expérience, dans un laboratoire vivant, en s’engageant dans des réformes que Trotski avait suggéré, avant Lénine, autour des concessions liées à la Nouvelle Politique Économique (NEP) ?
Nous ne pouvons passer sous silence tout le chemin parcouru depuis les 30,000 mort-e-s de la Commune. Quelle contribution à l’aventure historique aux conséquences insoupçonnables, parce que peu répertoriée par les historien-ne-s, aux progrès de société grâce à l’effet miroir de l’intérieur même des sociétés capitalistes au fonctionnement toujours renouvelé par notre contestation radicale de leur fondement ?
Les communistes ont été des chercheurs de vérité et, devant l’exposition des tares du capitalisme, ils-elles ont su, et encaisser les coups, et appeler aux innovations sociales et politiques. Ce n’est pas une moindre contribution à l’évolution de l’humanité dans sa quête de bonheur et d'une maturité démocratique émancipatrice.


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1 commentaire

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    6 décembre 2009

    Je dirais que ce que nous voyons aujourd'hui à l'oeuvre aux États-Unis, par exemple, ce n'est même plus du capitalisme. C'est une ploutocratie, dirigée par un gouvernement corrompu, qui a totalement perdu sa voie, et qui a abandonné le peuple, les citoyens, la nation...
    Wall Street met et remet à répétition le pays en récession économique, mais les ploutocrates milliardaires qui s'amusent avec l'argent des autres, sont bien protégés... Au point où le gouvernement central leur donnera des milliards de dollars pour éviter la faillite de leurs entreprises; oui, des milliards prélevés à partir des fonds publics!
    Les droits des citoyens américains sont aujourd'hui menacés, car ce régime qui paupérise le citioyen au nom de la prospérité des entreprises privées (???) est devenu un monstre que même le président n'a , seul, pas assez de pouvoir pour même tenter, de le contrôler.
    Ça ne peut pas indéfiniment continuer comme ça, ou sinon,que se passera-t-il, aux États-Unis? Une guerre civile?
    Je ne blague pas: les cadres de la firme Goldman-Sachs, ont demandé des permis de port d'armes à feu à l'état de New York, au cas où ils seraient agressés par la populace en colère!
    Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve; mais les États-Unis sont vraiment en train de devenir une énorme république de bananes. Et ils nous entraînent avec eux!
    L'époque d'un certain capitalisme, par lequel le petit citoyen pouvait prospérer et réaliser ses rêves, c'est fini, aux États-Unis. C'est l'ère de l'oligarchie ploutocratique, maintenant.
    Je pense qu'il faut en prendre note.