Dans sa chronique de La Presse du 21 septembre, Alain Dubuc critique la présence de la SSJB de Montréal à la récente Fête de l’Humanité, cette « grosse célébration organisée (…) par le Parti communiste français », un parti sans avenir à ses yeux. Il met en doute l’utilité pour la SSJBM et son président Mario Beaulieu de se chercher des appuis auprès des communistes français, estimant que cette aventure avait « un petit côté désespérément pic-pic ». Comme la délégation québécoise à la Fête de l’Humanité comprenait aussi, en plus de la SSJB, le Parti communiste du Québec et le Réseau de résistance du Québécois, Dubuc y appréhende « un processus de groupuscularisation aux franges du mouvement souverainiste ». Il conclut que la SSJB, le PCQ et le RRQ seraient « dans un processus de marginalisation et de radicalisation » d’autant plus dangereux (toujours à ses yeux) qu’ils « jouent un rôle important dans le débat linguistique ». Et il craint fort qu’ainsi « ce débat soit pris en otage ». Ouf !
Quand on sait à quel point, selon Dubuc, il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour la survie du français au Québec, on ne peut que s’émouvoir que le ci-devant Dubuc soit à ce point préoccupé pour une cause qui n’est pas la sienne et qu’il conchie allégrement depuis des années. Dubuc, ce fédéraliste avoué et fini, n’a de cesse de pourfendre ceux qu’il appelle les « éléments radicaux » dans le mouvement souverainiste. C’est quand même touchant cette compassion et ce souci bienveillant pour la famille souverainiste, alors même qu’il la voue aux gémonies. Touchant… mais un brin suspect.
Plus jeune, Alain Dubuc militait au sein du Groupe marxiste révolutionnaire, une organisation trotskiste lilliputienne aujourd’hui disparue. Comme d’autres avant lui qui ont changé leur fusil d’épaule, il se sent obligé de brûler ses anciennes idoles et de le faire le plus virulemment possible afin qu’il ne subsiste aucun doute sur sa nouvelle allégeance. C’est pourquoi Dubuc n’a de cesse de partir à la chasse de tout ce qui est radical avec la persistance d’une mouche à marde.
Revenons quelques instants sur les circonstances de ce voyage effectué par la SSJB en Europe. L’organisme avait d’abord été invité l’an dernier à participer au Festival des peuples minoritaires au Val d’Aoste (Italie), mais les circonstances ne s’y prêtant pas, l’invitation avait été déclinée. Réinvitée à nouveau cette année, la SSJB accepta. De son côté, depuis un an, le Parti communiste du Québec, qui est un collectif reconnu au sein de Québec Solidaire, avait proposé à quelques organisations indépendantistes de former une délégation québécoise pour la Fête de l’Humanité, question de mieux faire connaître à nos cousins français, ceux de gauche, les enjeux québécois. L’idée était somme toute originale et, pesant et soupesant la suggestion, il fut finalement décidé que la SSJB y participe. Si l’idée de s’associer pour un tel événement peut faire sourciller certaines personnes, il faut savoir que la SSJB entretient, sans sectarisme aucun, des liens fraternels et étroits avec l’ensemble de la famille souverainiste, qu’elle loge à gauche, à droite ou au centre de l’échiquier politique. En d’autres mots, cette proposition était recevable. Et de plus, comme les deux événements coïncidaient à quelques jours près, la SSJB faisait ainsi d’une pierre deux coups.
Mais qu’est-ce au juste que la Fête de l’Humanité ? Sans aller dans le détail, il s’agit d’un rassemblement politique annuel organisé par le quotidien communiste français L’Humanité. Si à ses débuts, dans les années 1930, l’événement ne rassemblait que deux ou trois cents personnes, il attire depuis quelques années plus de 500 000 personnes. C’est un rassemblement politique, certes, mais c’est aussi un rendez-vous culturel majeur et un lieu de réjouissance. Au fil des ans, les plus grands artistes de la francophonie et du monde y ont donné des spectacles (Brassens, Johnny Hallyday, Dutronc, Pink Floyd, Leonard Cohen, Nougaro, Gilles Vigneault, Brel, Julien Clerc, Robert Charlebois, Demis Roussos, Johnny Clegg, Renaud, Patrick Bruel, Bashung, etc.). Si les communistes y vont en grand nombre, l’événement attire aussi la gauche en général et toutes les têtes d’affiche socialistes… bref, tous ceux qui à l’heure actuelle en France espèrent mettre un terme à la présidence de Sarkozy, le grand ami des patrons de Dubuc. Alors, quand celui-ci se permet d’ironiser sur les communistes en France et l’utilité d’en tenir compte, il erre légèrement. À moins qu’il confonde, par étourderie, le demi-million de participants à la Fête de l’Humanité avec les quelques deux cents invités triés sur le volet qui assistent en se tenant les fesses serrées aux agapes du Gala de l’excellence de La Presse.
Mais permettez que j’insiste sur les commentaires désobligeants et calomniateurs sur le dos du Parti communiste du Québec que fait Dubuc. Je me sens d’autant plus à l’aise de parler que je ne suis pas membre du PCQ. Au nom de quoi, ce parti devrait-il se taire ou se faire discret ? Pour plaire à Dubuc ? Il n’y aurait qu’un seul communiste dans tout le Québec, que cela ne le disqualifierait pas de parler et de donner son opinion. Les communistes ont des choses à dire, ils apportent au débat démocratique un apport positif non négligeable et il serait absurde par conséquent de ne pas en tenir compte. Dubuc, je le répète, un fédéraliste fini, n’a aucune leçon à donner au mouvement souverainiste, toutes tendances confondues. Ses conseils ne sont ni sollicités ni utiles. Il n’a aucun crédit, puisqu’il est du côté de nos adversaires, pour nous dire ce qui est bon, mauvais, néfaste ou n’importe quoi d’autre pour notre mouvement. Cessons donc une fois pour toutes d’écouter nos adversaires et fichons-nous comme de l’an quarante de leurs propos qui ne visent, en définitive, qu’à nous diviser et à nous affaiblir.
En un mot comme en cent, et pour la rime, Alain Dubuc n’est qu’un trouduc…
Jean-Pierre Durand
Chronique du mardi - Jean-Pierre Durand
Alain Dubuc ou la persistance d’une mouche à marde
En un mot comme en cent, et pour la rime, Alain Dubuc n’est qu’un trouduc…
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